Rappel du premier message :
Galates 1–2 Quelle fonction et quelle démonstration?Depuis l’article pionnier de H.D. Betz de nombreuses études sont parues sur la composition d’ensemble des Galates, mais sur la composition et la fonction de Ga 1–2, les titres ne sont pas légion.
Et les questions de composition sont souvent déterminées par les approches rhétoriques, dont la pertinence fait aujourd’hui l’objet de débats très vifs. Nonobstant les divergences, il est néanmoins possible de souligner les résultats fermes et acquis, pour proposer de nouvelles pistes.
Sans faire l’exégèse des versets, en nous intéressant seulement à la tavxi" (ou dispositio) du passage, laquelle nous mènera à l’ eu{resi" (ou
inventio, nous montrerons que Ga 1,11–2,21 est une unité discursive, dont Ga 1,11-12 constitue la provqesi", et Ga 1,13–2,21 les arguments ou pivstei". Cela étant fait, nous nous interrogerons, après tant d’autres, sur le statut et de la fonction de Ga 2,16, verset difficile entre tous.
1. La question d’un modèle et d’une dénomination pour Ga 1–2
Comme on vient de le dire, si l’orientation donnée par Betz a été dans un premier temps largement suivie — ce qui ne veut pas dire que sur la dispositio et sur le genre rhétorique même il y ait eu unanimité, les exégètes se montrent aujourd’hui plus réticents. Ainsi, Kern et Tolmie ont récemment proposé une dispositio de Ga qui ne soit pas calquée sur celle, standard, qu’on peut trouver dans les manuels de rhétorique gréco-latine. En d’autres termes, ils ne partent pas des traités de rhétorique, mais du tissu paulinien pour déterminer sa configuration et sa dispositio. Rappelons seulement ici que les écrits rhétoriques d’Aristote, Cicéron et Quintilien ne sont pas des manuels que les élèves des progymnasmata et même les auteurs anciens auraient suivis. Il s’agit bien plutôt de traités, dont la fonction est avant tout taxinomique, théorique et réflexive, sur les tendances mais aussi sur les idéaux des écoles de rhétorique à chacune de leurs époques. Et si Quintilien s’inspire plutôt de la dispositio des discours judiciaires, c’est parce qu’elle est plus ample que celles des deux autres genres (délibératif et épidictique). L’erreur serait de croire que cette dispositio était la seule existante et, par là même, la seule susceptible de servir de grille de lecture des lettres pauliniennes. Il est donc méthodologiquement déconseillé d’imposer comme modèles de dispositiones aux lettres pauliniennes celles des traités de l’époque.
Mais s’il est bon de ne pas appliquer inconsidérément les schémas des traités rhétoriques gréco-romains, on ne voit pas en revanche pourquoi il faudrait se priver de leur comparer les textes pauliniens.
Que les développements de l’apôtre ne correspondent pas exactement aux dispositiones présentées par les traités de rhétorique, que ses réflexions se développent de manière spécifique, n’interdit pas de mesurer la distance qui les sépare: le rapport n’est jamais à sens unique, et le va-et-vient, entre des modèles possibles et des textes concrets ne peut qu’être fécond — il fait partie intégrante du cercle herméneutique. Et si certaines composantes de la dispositio de Ga correspondent à celles indiquées par les traités d’alors, on ne voit pas pourquoi on s’interdirait de leur donner les mêmes noms.
Cela dit, lorsqu’on en est venu à comparer la de Ga et celles mentionnées par les traités, l’étiquette la plus retenue pour Ga 1–2 a été celle de narratio), même si tous ne lui ont pas donné la même extension. Quelles raisons ont amené ces exégètes à nommer ainsi la presque totalité de Ga 1–2? C’est que les réflexions de l’apôtre sur l’Évangile semblent divisées en deux ensembles, un premier de type narratif et autobiographique (Ga 1–2), un deuxième, plus théorique (Ga 3–4). Et si l’on compare ces éveloppements avec les dispositiones des traités contemporains, où la narratio lorsqu’elle existe — précède la probatio, il est tentant de conclure que Ga 1–2 est à Ga 3–4 ce que la narratio est à la probatio On a avec juste raison objecté que si, dans les traités gréco-romains anciens, la narratio précède l’argumentation, elle n’en fait pas partie, alors que Ga 1–2 a les caractéristiques d’une argumentation. C’est pour répondre à cette difficulté que certains commentateurs ont voulu combiner les deux appellations, disant que si Ga 1–2 est une narratio, elle est aussi une véritable argumentation. Y aurait-il là un écart par rapport à la dispositio gréco-romaine? Peut-être, mais dans le cas qui nous occupe, nommer Ga 1–2 narratio a au moins deux inconvénients, (a) celui de donner à penser que ces chapitres ne constituent pas une véritable argumentation, alors qu’ils le sont et que leur fonction argumentative est première; (b) celui d’utiliser une terminologie aujourd’hui piégée; en effet, à la narratio des discours — disons, des rhéteurs — il manque en général ce qui fait un récit, à savoir l’intrigue: dans le récit, c’est cette dernière qui détermine le choix et l’agencement des événements, alors que dans la narratio rhétorique, c’est une idée (la vérité des faits rapportés). Et l’on voit bien que les événements choisis par Paul en Ga 1–2 ne sont pas liés entre eux par une intrigue, bien plutôt par l’idée énoncée dans la propositio de Ga 1,11-12, à savoir que son Évangile ne vient pas des hommes mais est le fruit d’une révélation divine.
Bref, pour ne pas donner l’impression de traiter Ga 1–2 comme un récit, on évitera l’appellation narratio, et l’on dira plutôt que Ga 1,11–2,21 est une argumentation basée sur quelques données autobiographiques.
Si tous ou presque admettent aujourd’hui que la fonction de Ga 1,11–2,21 est celle d’une probatio, son genre rhétorique reste discuté. Certains font du passage une apologie (le genre en serait alors judiciaire), d’autres une périautologie (éloge de soi-même, dont le genre est manifestement épidictique). Les événements autobiographiques retenus par Paul en Ga 1,13–2,21 constituent-ils un éloge?
Selon Hester, Ga 1–2 en sa presque totalité aurait la d’une périautologie). Non seulement il faut reconnaître, avec Buscemi et contre Hester, que leur présence ne suffirait pas à elle seule à faire de Ga 1–2 un éloge de l’Évangile ou de Paul, mais il faut ajouter que la triple dénomination gevno ajnatrofhv et pravxei" est totalement inadéquate pour Ga 1,13-24. Il suffit de comparer le passage avec Ph 3,5-6, qui est une véritable périautologie. En Ph 3, les éléments sont bien présents: les syntagmes peritomh/' ojktahvmero, ejk gevnou" ÆIsrahvl, fulh'" Beniamivn, OEbrai'o" ejx ÔEbraivwn illustrent le gevno", le kata; novmon Farisai'o renvoie à la paideiva (nommée ajnatrofhv chez Hester); quant aux deux derniers, kata; zh'lo" diwvkwn th;n ejkklhsivan et kata; dikaiosuvnhn th;n ejn novmw/ genovmeno" a[mempto", ils désignent les pravxei" de Paul. Mais en Ga 1,13-14, Paul ne dit rien sur son origine et son éducation — il utilise d’ailleurs le terme ajnastrofhv au v. 13, qui ne doit pas être confondu avec celui d’ajnatrofhv—, et n’insiste que sur son agir dans le judaïsme. Le choix des éléments de