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 Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17?

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florence_yvonne
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Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17? Empty
MessageSujet: Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17?   Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17? EmptySam 23 Juin - 23:17

Marc RASTOIN
Biblica 83 (2002) 549-555

Le dialogue entre Simon Pierre et Jésus, communément appelée la confession de Césarée, est un moment clef de l’Evangile de Matthieu. Son importance dans la structure narrative de Matthieu n’est pas à démontrer. Or il est un détail du texte qui a toujours étonné sans qu’une interprétation réussisse à s’imposer avec conviction: Pourquoi donc Jésus précise-t-il la filiation de Pierre en l’appelant "Pierre, fils de Iona" (Si/mwn Bariwna=)?
Dans le troisième volume de son enquête sur le ‘Jésus historique’, J. P. Meier consacre un chapitre entier au personnage de Simon Pierre et fait le point sur la littérature exégétique le concernant. Il en ressort avec encore plus de force que de coutume l’importance de ce nom nouveau que Jésus a donné à Simon: Pierre. En effet, ce nom devint si vite attaché à la personne de Simon que tous les auteurs du Nouveau Testament l’utilisent abondamment. Seul Jésus semble ne pas utiliser le nom qu’il a lui-même donné1.
Matthieu lui-même a introduit la personne de Simon en traduisant directement en grec le nom donné par Jésus en araméen: "Simon appelé Pierre" (Mt 4,18: Si/mwna to_n lego/menon Pe/tron, ce qu’il répète en 10,2, Si/mwn o( lego/meno) Pe/troj)2. Matthieu rappelle ce fait juste avant le verset qui nous occupe en disant "Et Simon Pierre répondit" (Mt 16,16: Si/mwn Pe/troj). Matthieu a bien employé le nom jusque là mais sans préciser de qui Simon était le fils. L’appellation "Fils de Jonas" vient donc comme un élément nouveau d’information sur la personne de Simon.
L’Evangile de Jean est témoin de la tradition qui désigne par le nom de ‘Jean’ le père de Simon: "Simon, fils de Jean, tu seras appelé ‘Kéfas’, ce qui signifie Pierre" (Jn 1,42b: Si/mwn o( ui(o_j 'Iwa/nnou, su_ klhqh/sh| Khfa=j, o$ e(rmhneu/etai Pe/troj). Jean le donne en araméen, ce qui n’est pas le cas de Matthieu.
Il semble donc bien connaître la figure de Pierre indépendamment de Matthieu.
Pourquoi le nom du père de Simon est-il ici "Jonas" et non "Jean" comme en Jn 21,15.16.17 (Si/mwn 'Iwa/nnou)3? Notons tout d’abord que la tradition textuelle matthéenne est très sûre. Les meilleurs manuscrits portent Bariwna= en un seul mot tandis qu’un très grand nombre (L G f1.13 33.565.700.892.1241. 1424 pm) sépare en deux mots: Ba_r 'Iwna=. Le nom ‘Jonas’ ('Iwna=j), qui est celui du prophète du même nom, n’est pas inconnu de Matthieu puisqu’il l’utilise en parlant du "signe de Jonas" (Mt 12,39.41; 16,4) 4. Réciproquement l’écart avec Jn 21 était bien perçu puisqu’un grand nombre de manuscrits (notamment l’Alexandrinus ainsi que la tradition syriaque) a changé le ‘Jean’ en ‘Jonas’ dans ce dernier cas (A C2 Q Y f1.13 33 M [size=16](c) sy Or)5 en écrivant non pas d’ailleurs Si/mwn Bariwna mais Si/mwn 'Iwna, en suivant manifestement la construction Si/mwn 'Iwa/nnou de Jn 21.
J.P. Meier présente les hypothèses émises jusqu’à ce jour pour expliquer cet écart et privilégie celle de l’erreur due aux aléas de la transmission orale6. J’aimerais proposer ici une autre interprétation qui ne prétendra pas à un statut autre que celui d’hypothèse mais qui s’insère bien tant dans le contexte immédiat que dans celui plus large de l’évangile de Matthieu.
Notons tout d’abord qu’il est étrange de souligner aussi fortement la filiation charnelle de Simon Pierre au moment même où c’est le Père qui parle en lui et non "la chair et le sang" (sa_rc kai_ ai|ma), expression hébraïque qui met précisément en valeur la descendance charnelle7. Cela pourrait être bien sûr une façon stylistique de renforcer le contraste: ‘Tu es bien le ‘fils de Jonas’ mais là c’est un autre qui parle en toi et ce que tu dis nul ne peut te l’avoir appris’. Cette lecture met bien en valeur un double contraste entre "Simon, fils de Jonas" et "le Christ, le Fils de Dieu" qu’il confesse8. Mais ne pourrait-on pas envisager une autre hypothèse, à savoir que Jésus effectue ici un jeu de mots théologiquement signifiant?
En effet, ‘Iona’ signifie, en hébreu comme en araméen, la colombe, qui est dans les Evangiles un symbole de l’Esprit Saint9. Ce symbole est important pour les Evangélistes (cf. Mc 1,10; Lc 3,22 et Jn 1,32) et Matthieu affirme que Jésus a vu l’Esprit descendre sous forme d’une colombe lors de son baptême: "Les cieux s’ouvrirent et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et voici qu’une voix venant des cieux disait: ‘Celui-ci est mon fils bien aimé, celui qu’il m’a plu de choisir’" (Mt 3,16b-17). Ce que Jésus reçoit et ce qui est révélé à lui (et aux autres présents à la scène selon les Evangélistes) au moment du baptême, c’est justement la marque de sa filiation divine. C’est l’Esprit Saint qui permet de reconnaître en Jésus le fils du Père. Or c’est bien cette confession que, pour la première fois depuis le baptême de Jésus, Simon Pierre effectue en Mt 16,16: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant".
En outre l’expression ‘bar + un nom’ peut avoir un sens métaphorique en hébreu comme en araméen. Les fils de la lumière et les fils des ténèbres sont ceux qui agissent selon le principe de la lumière ou selon celui de l’obscurité. En témoignent tant les Evangiles (cf. Lc 16,8 et en Matthieu, Mt 8,12 et 13,38, ‘les fils du Royaume’) que les textes de Qumran.
Ajoutons également que Jean rejoint également Matthieu et les synoptiques sur ce point puisqu’il emploie une expression très voisine pour parler de ceux qui ont reconnu Jésus comme logos (Jn 1,1) et fils de Dieu: "Ceux-là ne sont pas nés des sangs, ni d’un vouloir de chair (ou)k e)c ai(ma/twn ou)de_ e)k qelh/matoj sarko/j) ni d’un vouloir d’homme mais de Dieu" (Jn 1,13). En effet, "à ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants (te/kna) de Dieu" (Jn 1,12). Dans Jean, c’est le Baptiste qui déclare: "J’ai vu l’Esprit, tel une colombe, descendre du ciel et demeurer sur lui... Et moi j’ai vu et j’atteste qu’il est, lui, le Fils de Dieu" (Jn 1,32b.34).
Ainsi le Jésus matthéen pourrait faire un jeu de mots entre le nom Jonas et la colombe10: Il dirait en substance à Simon: ‘Heureux es-tu Simon, fils de [la] Colombe ( = ‘fils de l’Esprit Saint’) car ce ne sont pas la chair et le sang (= ‘ton père’ charnel, que celui-ci s’appelle Jean ou non) qui t’ont révélé que je suis le Fils mais mon Père qui est aux cieux (qui est maintenant aussi le tien dans l’Esprit Saint, cf. Jn 1,12; Jn 20,17; Ga 4,6; Rm 8,15)’.
Même s’il semble impossible de démontrer cette hypothèse, il est sûr que le mot Iona ne pouvait pas ne pas éveiller des échos chez les auditeurs de langue araméenne qui entendait l’Evangile de Matthieu11. Le jeu de mots reposant sur une compétence linguistique qui s’est peu à peu perdue et étant limité à une seule occurrence, il n’est pas étonnant qu’il ait été oublié. J. P. Meier fait remarquer qu’il en va de même avec le seul autre ‘surnom’, ou nouveau nom, donné solidairement par Jésus aux fils de Zébédée, Boanerges soit les ‘fils du tonnerre’ (boanhrge/j, o# e)stin ui(oi_ bronth=j) selon Mc 3,17. On ne sait plus exactement ce que cette expression veut dire et ce fait même entraîne les commentateurs à penser que c’était un ‘surnom’, c’est-à-dire non pas un nouveau nom solennellement conféré, mais un surnom humoristique, peut-être basé sur un jeu de mots lié par exemple au caractère des deux frères12. Si jeu de mots il y a donc en Mt 16,17, il a le mérite de souligner combien c’est l’Esprit Saint qui permet à Simon Pierre de faire cette confession de la filiation divine du Fils.
Il y a donc réciprocité entre la confession du Père et celle du Fils puisque "c’est l’Esprit du Fils qui crie en nous ‘Abba Père’" (Ga 4,6). De même que l’Esprit Saint révèle le Père, il révèle aussi le Fils. Cette théologie interprète la parole de Jésus: "Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler" (Mt 11,27b), en soulignant le rôle de l’Esprit Saint. De même que la révélation du Fils par la voix céleste en Mt 3,16 était rendue possible grâce à l’Esprit sous forme de colombe, c’est dans l’Esprit Saint que Jésus loue le Père en Lc 10,21-22 (dans le parallèle lucanien à Mt 11,25-27). En Mt 16,17, Matthieu complète la périchorèse: C’est le Père qui révèle le Fils ‘à celui à qui [il] veut bien le révéler’, Simon Pierre, grâce à la colombe, à l’Esprit Saint. Grâce à l’Esprit envoyé par le Père, Simon est rendu capable de confesser ce que la voix avait révélé en Mt 3,16.


Dernière édition par le Sam 23 Juin - 23:20, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17?   Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17? EmptySam 23 Juin - 23:19

Résumons les cinq éléments qui peuvent être invoqués en faveur de cette hypothèse 13: (1) Elle ne suppose pas une erreur dans la tradition orale ou une faute de copiste mais suppose l’existence d’un jeu de mots effectué délibérément, soit par Jésus lui-même, soit par la tradition araméenne reprise par le Jésus matthéen.
(2) Elle a le mérite de la simplicité en ce qu’elle ne suppose aucune référence au prophète Jonas. Elle ne fait pas appel à un autre ‘Jonas’, nom particulièrement rare à l’époque comme le relève J. P. Meier, et ne s’oppose pas à ce que le nom du père de Simon ait pu être ‘Jean’.
(3) Elle suppose chez Jésus une parole inventive qui n’hésite pas à faire des jeux de mots14 et à désigner des personnes par des composés de ‘fils de + un nom’, procédé qui était commun à l’époque et dont l’Evangile lui-même garde des traces (cf. Mt 8,12 et Mc 3,17).
(4) Elle s’appuie sur une compétence linguistique commune tant en hébreu qu’en araméen et garde le mot tel qu’il nous est transmis dans la tradition manuscrite.
(5) Elle s’harmonise bien tant avec la logique narrative et théologique de Matthieu qu’avec d’autres passages des Evangiles (Lc 10,22) et des lettres pauliniennes (Ga 4,6; Rm 8,15).
Cette proposition expliquerait le maintien de cet étrange ‘fils de Jonas’ en Mt 16,17 ainsi que le fait que les harmonisations se soient orientées plutôt vers une modification de Jn 21. Sans être pour rien au monde exégétiquement certaine, cette suggestion se révèle au moins théologiquement recevable dans le cadre narratif matthéen. Plus que celle d’une confusion due aux trous de la tradition orale comme le suggère in fine J. P. Meier, ou que celle d’une abréviation originale du nom Jean, cette hypothèse d’un jeu de mots de Jésus, ou tout du moins du Jésus matthéen, s’accorde remarquablement avec l’ensemble du récit matthéen ainsi qu’avec sa théologie.

15, rue Monsieur
75007 Paris
Marc RASTOIN


NOTES 1 Cf. sur ce point J.P. MEIER, A Marginal Jew (New York 2001) III, 226, qui se refuse, pour d’évidentes raisons, à commenter théologiquement cet étonnement: "Moreover — however paradoxical this may seem — Jesus may have intended that the name Ke4pa4’ be used of Simon only by other people, not by Jesus himself... The name Jesus conferes is not the name Jesus uses: what one makes of that paradox is hard to say. One possibility is that Jesus intended the new name Ke4pa4’ to indicate Simon’s relationship to the other disciples, not to Jesus. Once again we must admit that we are left guessing". Il peut être intéressant de relever que Paul utilise presque toujours le nom araméen Khfa=j (8 fois), pe/troj ne se trouvant qu’en Ga 2,7.8 et Si/mwn jamais.
2 Le nom ‘Pierre’ traduit le surnom araméen ‘Kéfa’ donné à Simon. ‘Kéfa’ signifie ‘roche’. La pierre avec laquelle on bâtit et le roc sur lequel on construit sont des éléments symboliques bibliques (cf. Nb 20,8-11 [(lvs@ef] ou Is 8,14 en lien avec Is 28,16 [Nbe)e]). La ‘roche’ qu’est devenu Simon peut aussi devenir occasion de chute en Mt 16,23 (cf. Is 8,14). La traduction grecque précise de ‘kéfa’ est pe/tra, ‘roche’, mais le mot féminin pe/tra ne convenant pas comme prénom masculin, l’apôtre est appelé pe/troj, ‘pierre’ en grec. La traduction française courante qui met ‘Pierre’ et ‘pierre’ n’est fidèle ni au grec ni à l’araméen mais a l’avantage d’employer deux fois le même mot comme le fait l’araméen, ce qui met en relief le jeu de mots effectué.
3 Certains manuscrits ont la variante 'Iwna en Jn 1,42 mais elle est généralement considérée comme secondaire, due à l’influence de Mt 16,17. Cette variante se trouve en A B2 Y 063 f1.13
M[size=12] c q vgcl sy boms; Epiph[ane de Constantinople]. Peu de manuscrits, Q 1241 pc vg, ont une forme courte de ‘Jean’, Iwanna. Le textus receptus est dans P66.75 ) B* C* L Ws 33 pc it co. Cf. NESTLÉ-ALAND 199327, 250. Les traductions en français seront empruntées à la TOB 1988. Le fait qu’aucun manuscrit n’ait essayé d’harmoniser le terme étrange de Mt avec celui plus compréhensible de Jn est étrange comme le remarque D. HAGNER, Matthew 14–28 (WBC 33B; Dallas 1995) II, 469: "Oddly no textual witnesses have harmonized the present passage to agree more closely with the Johannine references".
4 A noter qu’il n’y a aucune différence d’écriture en hébreu entre le nom du prophète Jonas et la colombe.
5 Cf. NESTLÉ-ALAND 199327, 318-319. Les changements sont effectués pour les trois versets de Jn 21. Sauf Origène qui est indiqué en sus seulement pour le v. 17, le dernier. Le texte retenu est appuyé par )1 B C* D L W l 844 lat co, pour le v. 15, par ) B C* D W lat co, pour le v. 16 et par P59vid ) B C* D L W lat co, pour le v. 17. Le fait que l’orthographe de ‘Jean’ varie beaucoup et que dans la LXX elle-même on rencontre des abréviations variées est certes un argument pour lire 'Iwna comme une simple abréviation de 'Iwa/nnou. C’est aussi l’interprétation à laquelle semble se rallier un récent commentaire: "Gesù chiama l’apostolo con il nome proprio Simone e con il patronimico bar-ionà, che compare solo qui in tutto il NT; Infatti secondo Gv 1,42; 21,15.15.17 il nome del padre di Pietro è Giovanni. Questo implica che uno dei due è errato oppure che questo iwna [sic] è abbreviazione di Jo—anan-Giovanni, cosa che stando a Dalman e Billerbeck (I, 370), non è positivamente sostenuta da alcun documento. Jeremias... la ritiene tuttavia ancora la più probabile spiegazione[J.JEREMIAS, ‘'Iwna=j’, ThWNT III, 410]" (C. MARUCCI, "Simon Pietro e la Chiesa di Cristo: Mt 16,17-19", Credo Ecclesiam [ed. E. CATTANEO – A. TERRACINO] [Napoli 2000] 93-130), 106. Cet article contient une bibliographie conséquente sur ces versets.
6 Cf. MEIER, A Marginal Jew, 275, n. 89. Voilà comment il présente son opinion: "In my view, the most likely explanation of the difference is that the original name of Peter’s father, whether it was Jonah (yônâ) or John (yo=h~a4na4n), was inadvertently garbled in the decades-long oral tradition of either the Matthean or the Johannine community. Such garbling is not a merely theoretical possibility: LXX manuscripts at times interchange the two names (see, e.g., LXX 1 Chr 26:3). There is no way of knowing which form of the name is historically correct, although the rarity of Jonah as a proper name around the turn of the era might argue that the original name was John and that is was changed by Matthew (or his special tradition) to Jonah for theological purposes (e.g. the sign of Jonah in Matt 12:39 and 16:4; Peter’s role as a true prophet; or the initial unwillingness of both Peter and Jonah to go to the Gentiles [Jonah 1:1-3; Acts 10]; see Joachim Jeremias, ‘Ionas,’ TDNT 3 (1965) 406-10 ". Si le terme était en Lc-Ac, on pourrait peut-être faire cette hypothèse mais dans le cadre de Matthieu, cela paraît hautement invraisemblable. Il poursuit: "Other — and in my opinion, less likely — theories include the following: (1) Peter had been a Zealot; bar-Jonah derives from an Akkadian word for ‘terrorist’. (2) The tradition of the Johannine community changed the original name Jonah (not commonly used at the time) to the more common and popular John. (3) The change was inadvertent and was caused by the common occurrence of the name John at the time". Deux éléments sont ici dignes d’être relevés: Premièrement le nom ‘Jonas’ était très rare et on ne voit pas pourquoi la tradition orale l’aurait remplacé par le commun ‘Jean’. Deuxièmement le contexte n’a aucun rapport avec celui du signe du prophète Jonas, seule autre occurrence du mot chez Matthieu. Si la forme était une abréviation rare de Jean (opinion de U. LUZ, Matthew 8–20 [Augsburg 2001]), on pourrait penser que des manuscrits de Matthieu auraient corrigé et réintroduit 'Iwa/nnou, notant la confusion possible avec le terme 'Iwna employé ailleurs (Mt 12,39; 16,4).
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MessageSujet: Re: Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17?   Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17? EmptySam 23 Juin - 23:19

7 Je pense donc que la TOB ne saisit pas exactement la nuance de ce verset lorsqu’elle commente ainsi cette expression: "‘La chair et le sang’: même expression sémitique en 1 Co 15.50 et Ga 1.16 pour désigner l’homme tout entier comme être faible et incapable", TOB 1988, 1455, n. y. Ce n’est pas tant la faiblesse humaine que Jésus souligne ici que la filiation humaine et la suite des engendrements qu’elle implique. Il s’agit de souligner le caractère spécifique et nouveau de la seconde naissance (cf. Jn 1,42 en lien avec Jn 3,3-6) plutôt que de déprécier la première. Le fait que Simon soit appelé par son nouveau nom en Mt 16,18 et le contexte de confession de la foi font penser au baptême qui est pour le chrétien une seconde naissance. Il en va de même en Ga 1,16 où l’expression intervient également dans le cadre d’une ‘révélation’ de la filiation de Jésus Christ. Ce rapprochement a conduit certains exégètes à assumer un lien entre Galates et Matthieu sur ce point mais le parallèle s’explique plutôt par leur commun enracinement biblique selon J. DUPONT, "La révélation du Fils de Dieu en faveur de Pierre (Mt 16,17) et de Paul (Ga 1,16)", RSR 52 (1964) 411-420. Pour le lien entre chair et la filiation, cf. aussi D. BOYARIN, A Radical Jew. Paul and the Politics of Cultural Identity (Berkeley 1994) 77: "Sa/rc, r#$b,... in Jewish parlance... refers... to the physical connection of genealogy of filiation and of family relationship", qui renvoie à Rm 9,3 ou 11,14.
8 Telle est la lecture de St Jean Chrysostome: "All but saying, ‘as you art son of Jonas, even so am I son of My Father’. Else it were superfluous to say, Thou art Son of Jonas; But since he had said, Son of God, to point out that he is so Son of God, as the other son of Jonas, of the same substance with Him that begat Him, therefore He added this" in Homilies of S. John Chrysostom on the Gospel of St Matthew (Oxford 1844) 730-731 (sans indication du traducteur; souligné par lui).
9 L’origine de ce lien est incertain. Il s’enracine probablement dans un parallèle entre Gn 1,2 et Gn 8,9. Dans le premier cas, c’est l’Esprit du Seigneur qui planait sur les eaux, dans le second c’est la colombe. Le rapprochement aurait pu être justifié au moyen de la méthode de la gezerah shawah (selon sa forme pré-rabbinique). En effet, les termes ‘à la surface’ (ynep%;-l(v) et ‘les eaux’- (MyImv) se rencontrent en ces deux endroits. Il faut noter surtout que le verbe rare ‘planer’ (Kxr; Gn 1,2) fait penser à un oiseau et ne se retrouve qu’en Dt 32, 11 où Dieu est comparé à un aigle (l’aigle est néanmoins généralement un symbole négatif dans la littérature intertestamentaire sauf LAB 48,1 et Paralipomènes de Jer. 7,2-3.18). Le rapprochement entre Dt 32 et Gn 1 est explicite dans le TY Haguiga II.1 à propos de Gn 1,2: "Ben Zoma said... It is said ‘hovering’ and it is said there ‘as an eagle... hovers its young’ (Deut 32:11)" in J. NEUSNER, Talmud Yerushalmi (Chicago 1986) 44. La mention explicite de la colombe se trouve en TB Haguiga 15a: "‘Et l’Esprit du Seigneur planait sur les eaux’, tel une colombe qui plane [hynb l( tpxrm#$ hnwyk] par dessus ses petits, mais sans les toucher" (Traité Haguiga, Paris 1991, 115). Cf. aussi GenR II, 4. La colombe en lien avec l’Esprit se retrouve à la Mer Rouge dans la Mekhilta de R. Ishmaël sur Ex 14,13 et 15,2. Un parallèle entre l’Esprit et un oiseau, la tourterelle de Ct 2,12, se trouve aussi dans le targum sur le Cantique: "The voice of the turtle dove... the voice of the Spirit of Salvation which I spoke unto Abraham", in H. GOLLANCZ, The Targum to the ‘Song of Songs’... (London 1908) 36. Dans la littérature rabbinique, (en raison de Ct 6,14, Ps 68,14 et Os 7,11) la colombe désigne fréquemment Israël (cf. b. Shab 130a; b. Git 45a: "La colombe est le symbole d’Israël". Cf. aussi So 3,1 (LXX), LAB 21,6; 23,7 [Abraham]; 39,5; 4 Es 5,26). Pour un lien entre la Voix céleste et la colombe, cf. b. Ber 3a (hébreu édition Soncino 1960): "J’ai entendu une voix céleste, semblable à la plainte d’une colombe[trmw)w hnwyk tmhnm#$ lwq tb], et qui disait: ‘Malheur à [ceux de mes] enfants..." in Aggadoth du Talmud de Babylone (trad. A. ELKAÏM-SARTRE) (Paris 1982) 37. Cf. GOLLANCZ, The Targum, 37, où Ct 2,14 est ainsi commenté: "And the Bath Kol proceeded from heaven and proclaimed: ‘O thou Assembly of Israel ressembling the neat dove... ". Deux phénomènes semblent ainsi s’être conjugués: D’une part, le verbe de Gn 1,2 incite à comparer l’Esprit à un oiseau et d’autre part, l’oiseau pur le plus valorisé dans la Bible est la colombe, et ce dès Gn 8,9. Il est question des deux petits de la colombe dans les sacrifices comme en Lv 5,7; 5,11; 12,8; 14,22; 15,14; 15,29; Nb 6,10, toujours avec le terme neossou_j ‘petits’. En Lv 12,6 cependant se trouve l’expression au singulier, ‘fils de la colombe’, hnFw$ybe (neosso/n peristera=j LXX), hapax en hébreu comme en grec.
10 Si le nom du père de Simon était Jean, il le ferait entre Jean et Jonas. Les deux noms sont différents en hébreu, comme nous l’avons vu, et en araméen (phonétiquement ‘yaono’ et ‘yu=h~anon’). Même s’il y a une vague ressemblance, les deux noms sont néanmoins très clairement différents. En outre, l’un est un nom extrêmement rare, l’autre en revanche très courant. Il est vrai que la LXX varie parfois dans sa translittération de ‘Jean’. (Iwa/naj en 1 Ch 5,36 et Iwa/nan en 2 R 25,23, dans les deux cas au nominatif). Ajoutons que la recension de Lucianus met plusieurs fois 'Iwnan au lieu de Iwa/nan. Cf. la concordance HATCH/REDPATH, Supplément, 91.
11 Nous nous heurtons ici à une objection réelle. En hébreu comme en araméen, l’Esprit est généralement du genre féminin, ce qui pourrait poser un problème en Mt 16,17. De fait, des deux constructions possibles pour exprimer l’attribution, l’état construit (bar + nom) et l’état absolu avec un suffixe possessif suivi d’un relatif (bro + suffixe + nom), la version syriaque de la Peshitta privilégie en Mt 16,17 la seconde, c’est-à-dire, ‘le fils, de lui, Jonas’ (Breh de Yaono). Elle souligne ainsi la masculinité du père, alors qu’en Jn 21, elle utilise la première forme (bar) et modifie la première voyelle du nom qui s’allonge et devient ‘Yòano’. Cela semblerait indiquer que l’allusion à l’Esprit Saint soit était inconnue du traducteur syriaque, soit a été volontairement écartée. Néanmoins l’esprit peut être de genre masculin tant en hébreu (une trentaine de cas dans le TM) qu’en araméen.
12 Cf. la discussion dans MEIER, A Marginal Jew, III, 214-215.220, où il privilégie, in fine et avec précaution, non pas un surnom psychologique mais un nouveau nom lié à leur mission: "Possibly Jesus called the brothers ‘sons of thunder’ because he realized or wished to foster their potential as thundering witnesses for his proclamation of the kingdom", 220. Il suit A. CULPEPPER, John the son of Zebedee. The Life of a Legend (Columbia 1994).
13 Cette hypothèse n’est pas nouvelle (comme souvent en exégèse!), même si elle n’est presque jamais mentionnée dans les commentaires contemporains. Elle apparaît dans le commentaire sur Matthieu de St Jérôme: "Donc sa profession de foi lui vaut un nom qui indique qu’il reçoit sa révélation du Saint-Esprit, dont il doit aussi être appelé le fils. De fait Barjona signifie dans notre langue ‘le fils de la colombe’ [L’éditeur renvoie au De Interp. Hebr. Nom., 60,22 (éd. Lagarde)] . D’autres comprennent tout simplement que Simon, c’est-à-dire Pierre, est fils de Jean, d’après une question posée dans un autre passage: ‘Simon, fils de Jean, m’aimes-tu?’ [Jn 21,15]... Ils prétendent qu’il y a faute des copistes: au lieu de ‘Bar Johanna’, c’est à dire fils de Jean, omettant une syllabe, ils auraient écrit Bar Jona... Quant à ces paroles: ‘Parce que ce n’est pas la chair et le sang qui te l’ont révélé’, compare-les au récit de l’Apôtre où il dit: ‘Aussitôt je n’ai point pris conseil de la chair et du sang’. ‘La chair et le sang’" (traduction E. Bonnard). Cf. JÉRÔME, Commentaire sur St Matthieu (SC 259; Paris 1979) II, 15. Le développement théologique le plus complet se trouve chez Bède le Vénérable: "‘Beato te Simone figlio di Giona’. Il siriaco Bar Iona in latino significa figlio della colomba. A ragione l’apostolo è detto figlio della colomba, perchè la colomba è un animale molto simplice... O anche perchè lo Spirito Santo era disceso sotto forma di colomba, per questo viene chiamato figlio della colomba egli che fu pieno di grazia spirituale. E con giusta lode il Signore ricompensa quello che lo amava e ne professava la dignità, chiamandolo figlio dello Spirito Santo, quello del quale egli stesso era stato proclamato Figlio del Dio vero... Pietro è diventato figlio dello Spirito Santo dal momento in cui, illuminato da quello, ha ricevuto la conoscenza di Dio. E poiché una sola è la volontà l’operazione della santa Trinità, dopo aver detto: ‘Beato sei tu Simone figlio di Giona’, cioè figlio della grazia spirituale, subito il Signore aggiunse: ‘Poiché né la carne né il sangue ti ha rivelato questo ma il Padre mio che è nei cieli’. Il Padre infatti ha rivelato al figlio della colomba che una sola è la grazia del Padre, dello Spirito Santo e anche del Figlio... Dice infatti del Padre l’apostolo: ‘Dio ha mandato lo Spirito di suo Figlio nei nostri cuori’ [Ga 4,6]. Dello Spirito Santo proprio il Figlio dice: ‘Quando verrà il Paraclito che io vi manderò dal padre’ [Jn 15,26]. Dello Spirito Santo l’apostolo dice: ‘Tutte queste cose lo compia un solo e medesimo Spirito, distribuendole a ciascuno come vuole’ [1 Co 12,11]. Il Padre dunque manda lo Spirito, il Figlio manda lo Spirito e ‘lo Spirito soffia dove vuole’ [Jn 3,8]... Perciò viene detto che il Padre che è nei cieli ha rivelato al figlio della colomba il mistero della fede, che la carne e il sangue non gli potevano rivelare" in Venerabile BEDA, Omelie sul Vangelo (Collana di testi patristici 3; Roma 1990) I, 20, 216-218.
14 Il serait possible d’arguer du jeu de mots sur ‘pierre’, qui suit immédiatement en Mt 16,18, pour estimer que deux jeux de mots si rapprochés sont peu vraisemblables. D’un autre côté, ils ne sont pas contradictoires. Au contraire, c’est peut-être parce qu’il a accueilli l’Esprit Saint que Simon peut être qualifié de ‘roc’.
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MessageSujet: traduc   Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17? EmptyDim 16 Sep - 12:46

Là encore, tu as piqué le texte quelque part où il est certainement mieux mis en page. Ce serait sympa de nous le dire parce que les petites cases rendent la lecture difficile.

Ceci dit, dans une des notes, Rastoin (Rastoin s.j., me semble-t-il) parle de Boyarin "Paul a radical Jew" que tu peux trouver en ligne et en anglais sur le site de Berkeley.

Veux tu la traduction de la note en italien ?

En ce qui concerne la TOB, le fait est qu'elle n'est pas terrible.
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florence_yvonne
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florence_yvonne


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MessageSujet: Re: Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17?   Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17? EmptyDim 16 Sep - 12:56

Je pense que j'ai du le scanner sur l'une de mes vieilles bibles
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J-P Mouvaux
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J-P Mouvaux


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MessageSujet: Re: Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17?   Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17? EmptyLun 17 Sep - 18:05

Sans entrer dans tout le détail de l’exégèse, je trouve intéressante

Code:
cette hypothèse d’un jeu de mots de Jésus, ou du moins du Jésus matthéen

à propos du terme "barjona"

qu'on retrouve aussi chez Jean (chap 21-16-17)
où, après la résurrection , Jésus interpelle Pierre par trois fois : Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu?...

Simon « barjona » - « fils de Jonas » ou « fils de la colombe », la colombe étant le symbole de « l’Esprit », ce double sens du terme « barjona » s’accorderait bien avec le caractère ambigu de cet apôtre « Simon-Pierre » qui fait l’objet d’un autre jeu de mots entre le prénom « Pierre » et la pierre, le roc, le caillou , celui qui est présenté comme le chef de la petite troupe des proches de Jésus et, en même temps, celui qui l’a renié.

Simon-Pierre serait alors la figure de l’homme, simple être « de chair et de sang », mais, en même temps, animé de « l’esprit » ; mais on n'ira pas forcément jusqu’à suggérer que c’est «
Code:
parce qu’il a accueilli l’Esprit Saint qu’il peut être qualifié de ‘roc’.
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MessageSujet: Re: Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17?   Pierre ‘fils de la colombe’ en Mt 16,17? Empty

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