Un témoignage précieux et un point problématiqueTrès peu a été excavé de l'ancienne Thessalonique, Thessaloniki se trouvant au-dessus des vestiges. Voici une partie de l'ancienne Agora. La Première Epître aux Thessaloniciens est importante car elle constitue le premier document chrétien figurant dans le Nouveau Testament. Deux décennies seulement après les événements de Pâques, elle témoigne de la vitalité de l'Evangile. Cette lettre, dont la paternité n'est généralement pas discutée, éclaire aussi la pensée de Paul dans une période ancienne.
La longue évocation de la parousie indique clairement, qu'à l'époque, le retour du Christ était envisagé comme imminent. C'est un témoignage fort précieux pour comprendre la «psychologie» de l'Eglise primitive. Il est ainsi mieux possible de comprendre, pour nous qui nous situons 2000 ans après les événements, dans quels types de réflexions se sont inscrits les premiers auteurs chrétiens comme Marc, ou, précisément Paul. Il appartiendra à d'autres, notamment dans le Quatrième Evangile, d'expliquer pourquoi le retour du Seigneur doit se faire attendre...
Les membres de cette communauté sont des Pagano-Chrétiens:
- Citation :
- 1Th 1:9-On raconte là-bas comment nous sommes venus chez vous, et comment vous vous êtes tournés vers Dieu, abandonnant les idoles pour servir le Dieu vivant et véritable...
Les nombreux rappels des débuts de la mission dans la ville tendent à montrer que cet événement est récent (1: 6-9 ou 2:13):
- Citation :
- 1Th 2:13-Voilà pourquoi, de notre côté, nous ne cessons de rendre grâces à Dieu de ce que, une fois reçue la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l'avez accueillie, non comme une parole d'hommes, mais comme ce qu'elle est réellement, la Parole de Dieu. Et cette parole reste active en vous, les croyants.
La foi, l’amour, l’espérance doivent caractériser notre vie, tel est le message de l'apôtre qui apparaît dès les premières lignes.
- Citation :
- 1Th 1:3-Nous nous rappelons en présence de notre Dieu et Père l'activité de votre foi, le labeur de votre charité, la constance de votre espérance, qui sont dus à notre Seigneur Jésus Christ.
1Th 1:4-Nous le savons, frères aimés de Dieu, vous avez été choisis.
La violente attaque contre les Juifs est très énigmatique. Elle a d'ailleurs fait l'objet d'une émission de la série de G. Mordillat et Jérôme Prieur. Les spécialistes s'y expriment longuement. Voici le passage incriminé:
- Citation :
- 1 Th 2:14-Car vous vous êtes mis, frères, à imiter les Églises de Dieu dans le Christ Jésus qui sont en Judée : vous avez souffert de la part de vos compatriotes les mêmes traitements qu'ils ont soufferts de la part des Juifs :
1Th 2:15-ces gens-là ont mis à mort Jésus le Seigneur et les prophètes, ils nous ont persécutés, ils ne plaisent pas à Dieu, ils sont ennemis de tous les hommes
1Th 2:16-quand ils nous empêchent de prêcher aux païens pour leur salut, mettant ainsi en tout temps le comble à leur péché ; et elle est tombée sur eux, la colère, pour en finir.
Plusieurs thèses s'affrontent autour de ce passage. Voici les principales:
Le texte serait
carrément antisémite. Paul serait en rupture avec le monde juif. C'est un peu faire fi de la chronologie historique et de la chronologie paulinienne. Si Paul était devenu à ce point-là critique envers les Juifs, on s'expliquerait mal, entre autres, son voyage à Jérusalem à la fin des années 50.
L'expression n'est pas paulinienne donc
Paul n'est pas l'auteur de la lettre. C'est aller vite en besogne, car tous les autres éléments de la lettre vont dans le sens de l'authenticité.
Le passage a été
ajouté après coup. Le cas ne semble pas isolé: le passage sur la femme adultère ne figure pas dans les manuscrits les plus anciens de l'Evangile de Jean, ou alors la place qui lui est assignée varie. Dans la Première Epître aux Corinthiens, le fragment donnant ordre aux femmes de se taire paraît aussi avoir été ajouté. Enfin, à propos de la lettre aux Colossiens, j'ai essayé d'émettre l'hypothèse que ce document avait été revu et complété.
Une dernière supposition invite à réfléchir sur le
sens du mot «Juif». Originellement, ce mot désigne les habitants de la région de Jérusalem, qui sont perçus comme liés au Temple. La Galilée, d'où venaient les Chrétiens, était plus cosmopolite, et ne se reconnaissait pas forcément dans ce qualificatif de Juif, en tout cas sur le plan religieux. D'autre part, les Thessaloniciens étaient plutôt des Pagano-Chrétiens. On peut donc penser que l'apôtre, à supposer qu'il ait réellement rédigé ce fragment, perçoit plus de proximité entre les tout premiers chrétiens, galiléens et les habitants de Thessalonique, qu'envers les habitants de Jérusalem, dont certains sont au mieux de stricts Judéo-Chrétiens.
Personnellement, j'hésite entre les deux dernières hypothèses. S'il fallait vraiment me déterminer, j'opterais pour la dernière...