La bible au peigne fin
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 Juifs et Grecs dans la communauté johannique

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florence_yvonne
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MessageSujet: Juifs et Grecs dans la communauté johannique   Juifs et Grecs dans la communauté johannique EmptySam 23 Juin - 18:04

Xavier LEVIEILS Biblica 82 (2001) 51-78

La communauté1 johannique est devenue un objet d’étude à part entière lié à la recherche historique sur le Christianisme ancien. Avec ce nouvel angle de recherche, la littérature johannique est devenue une sorte de miroir réfléchissant les préoccupations spirituelles des individus qui composaient cette communauté. Cette façon d’aborder le corpus johannique ouvre des perspectives passionnantes, car elle permet de mieux comprendre les motivations, les problèmes et l’évolution doctrinale d’un courant particulier du Christianisme naissant. Nous pouvons dès lors tenter de saisir ce courant en fonction de l’idéal que les écrits johanniques proposaient à leurs premiers destinataires. Contrairement à ce que l’on a longtemps pensé, le christianisme johannique est resté imprégné de valeurs directement issues du Judaïsme. Cet enracinement nous amène à nous questionner sur la capacité des communautés johanniques à s’inscrire dans la logique d’ouverture vers les gentils qui caractérisa les églises implantées hors de Palestine. Cette étude se propose donc de considérer, en suivant le parcours doctrinal et géographique du mouvement se réclamant du "disciple bien-aimé", comment les communautés juives qui s’y rattachaient se sont ouvertes aux populations païennes, dans quelle mesure elles y sont parvenues et de quelle manière elles ont pu assurer cette cohabitation en leur sein.

I. Protohistoire du johannisme

Il s’agit de voir ici quelles ont été les valeurs constitutives de la communauté johannique avant que celle-ci n’acquière sa propre organisation et son originalité théologique. Cette analyse ne prétend pas apporter de nouvelles hypothèses sur la genèse documentaire de Jean. Elle adopte plutôt une approche synchronique tout en acceptant que la tradition que contient l’évangile a été marquée par l’histoire de sa transmission.

Il est indéniable que le noyau primitif de la communauté johannique fut juif2. L’opinion voulant faire de Jean un évangile hellénistique, voire gnostique, n’est plus suivie aujourd’hui avec la même intensité que par le passé. Une lecture attentive du quatrième évangile fournit de nombreux indices de ce caractère juif originel, que ce soit au niveau de l’expression littéraire3, du langage doctrinal4, des coutumes (Jn 2,6 et 10 [Mc 7,3]; 4,20; 7,22 et 37 [Lv 23,36]; 18,28 et 39) et des comportements sociaux (4,9; 7,49; 9,34; 11,17-19) dont il témoigne, et de son exégèse de l’Ancien Testament5.

La connaissance johannique de la topographie palestinienne semble une donnée importante pour déterminer l’implantation des proto-johannites. Les données géographiques sur la Galilée et ses environs sont précises6, mais l’évangile exprime, par une présentation centrée sur la Judée du ministère de Jésus, un intérêt particulier pour Jérusalem et ses alentours immédiats (5,2; 9,7; 11,1.18.54; 18,1.28; 19,13. 17.20.41). Un regard concentrique encore plus précis permet de déceler l’importance que l’évangile accorde au Temple. Sa sainteté (2,13-22) en fait le lieu où, par son enseignement, Jésus désire se révéler (7,14.37-38; 8,2.12.20; 10,23). La valeur symbolique que W. A. Meeks7 a attribuée à cette exposition centrale du ministère judéen n’explique pas tout, car les entités opposées (Judée = rejet / Galilée et Samarie = acceptation) ne le sont pas de façon claire et systématique8. Jean semble plutôt manifester l’intérêt que la communauté primitive éprouvait pour les actes et les paroles de Jésus qui prirent place dans la ville sainte. C’est un processus naturel que de relater des événements en relation avec les lieux et les personnages composant la toile de fond de son auditoire. La place du Temple dans l’évangile s’harmonise avec le fait que, dans l’esprit des judéo-chrétiens, il restait le lieu de la rencontre entre Dieu et son peuple9.

La communauté primitive était donc cantonnée dans l’aire géographique palestinienne, plus précisément judéenne, et était composée de Juifs d’horizons différents: baptistes venus de l’entourage de Jean10, dont l’évangile s’efforce de préciser la mission11; esséniens, qui étaient établis au sud-ouest de Jérusalem12 et qui ont sans doute apporté à l’évangile quelques traits théologiques spécifiques (comme l’expression du dualisme); et surtout gens du peuple sans instruction religieuse ((am ha4)a4res[ ), auxquels l’évangile s’intéresse, particulièrement en mettant en scène leur ambivalence vis-à-vis de Jésus (7,11-12.31.40-43.49. Voir aussi 6,14; 9,17.34-38; 12,12-13), ambivalence positive qui fait stratégiquement ressortir l’impact de sa prédication sur eux. Jésus est d’ailleurs identifié par ses adversaires comme un membre de l’(am ha4)a4res[ (7,15; 9,24.31). La rapide croissance de l’église de Jérusalem13 ne peut s’expliquer que par le succès de la prédication chrétienne auprès du peuple. Les Actes nous disent que les disciples "trouvaient un accueil favorable auprès du peuple tout entier"14 et que ceux qui ne s’agrégeaient pas à la communauté "faisaient l’éloge" des croyants15. Les couches sociales aisées de la ville semblent être restées à l’écart du phénomène. Les prêtres convertis16 à la nouvelle foi faisaient partie des classes inférieures du clergé (ko4he4n hedyo=t@ ). Nous pouvons le déduire du fait qu’il y en avait une "multitude", tandis que le nombre des représentants de l’aristocratie sacerdotale, gravitant autour du grand prêtre, était relativement réduit17 et que ceux-ci étaient tout à fait hostiles à la foi naissante18. La présence de ces prêtres dans l’église a probablement contribué à imposer dans la prédication primitive une place centrale au Temple, dont l’évangile a gardé la trace. La mention, particulière à Jean, d’un disciple anonyme connaissant le grand prêtre (18,15) indique bien que le milieu d’où émergerait le johannisme était en contact avec les milieux sacerdotaux.

Le premier glissement de la communauté johannique hors du Judaïsme traditionnel peut être repéré dans Jean grâce aux indices d’affinités avec les croyances samaritaines que fournit la critique interne19. La sympathie hors norme que conçoit Jean pour les Samaritains ne peut s’expliquer qu’en fonction du désir de partager le message de l’Evangile avec eux. Les rapprochements de la théologie de Jean avec la théologie samaritaine montrent que les Samaritains qui se sont convertis au Christianisme ont intégré la mouvance johannique et que le développement doctrinal de celle-ci a pris en considération la spécificité des attentes spirituelles samaritaines, en particulier à propos de l’espérance messianique articulée autour de la figure de Moïse. Il faut toutefois noter que ce modèle messianique n’est pas exclusif et que Jean l’emploie aux côtés de conceptions conformes au messianisme juif, faisant de Jésus un personnage supérieur à celui de Moïse20. Cela montre que l’élément samaritain, même s’il a influencé la pensée johannique, reste un apport secondaire21 par rapport aux préoccupations spécifiquement juives contenues dans l’évangile.

Le récit que font les Actes de l’évangélisation de la Samarie nous permet d’approfondir l’analyse de cette intégration dans le courant johannique. La mission vers les Samaritains est imputée à l’Helléniste Philippe qui, suite à la persécution déclenchée par l’exécution d’Etienne, descendit dans une ville de la Samarie où il proclama le Christ avec succès22. Les Actes sont aussi témoins d’une tradition associant Pierre et Jean à cette mission23, ce qui nous permet de penser que les Hébreux, dont faisaient partie les proto-johannites, ont aussi participé à l’évangélisation de la Samarie. La critique des Hellénistes du Temple paraît peu compatible avec l’attachement des Hébreux au sanctuaire. Mais cette critique (qui se réduit à ce que l’on trouve dans le discours d’Etienne) n’est pas dirigée contre l’institution elle-même, mais contre l’extrême vénération dont elle était l’objet. Le culte du Temple n’incite pas au mouvement. Il est à l’origine d’un repli national qui empêche l’expression universelle de l’espérance d’Israël réalisée en Jésus le Juste24. Cela n’est pas inconciliable avec la façon dont Jean voit le Temple. Dans la pensée johannique, celui-ci revêt sa véritable signification religieuse dans la mesure où Jésus y a été présent et y a enseigné (7,14.28; 8,2.20; 10,23; 18,20). Il est le lieu où Jésus révèle aux Juifs sa nature divine et sa mission, comme si la médiation de Jésus-Dieu se superposait à celle du Temple pour la relation de Dieu avec son peuple. Ce type d’accomplissement christique était beaucoup plus facile à percevoir et à assimiler en dehors des murs de Jérusalem, alors que le Temple, avec lequel on ne voulait pas couper tous les liens, était devenu une réalité plus lointaine. A ce stade de l’histoire du johannisme, ce thème théologique n’était peut-être pas parvenu à une pleine maturité, mais la réflexion des proto-johannites a pu très tôt s’orienter dans ce sens grâce au contact avec les Hellénistes qu’ils étaient venus rejoindre sur le terrain missionnaire de la Samarie. Se détacher du Temple était de toute façon un effort nécessaire pour ne pas entrer en conflit avec les Samaritains, eux aussi appelés à évoluer à propos du culte du mont Garizim (4,21-25). Les circonstances ont permis l’amorce d’une réflexion qui finira de trouver son expression avec la destruction du Temple. Certaines des conceptions communes aux Hellénistes et à Jean, relevées par O. Cullmann25, intéressent précisément notre propos. L’appel à la mobilité cadre bien avec l’enseignement de Jn 4,21-25 que nous venons d’évoquer. Il est aussi possible de faire un rapprochement entre l’intérêt qu’Etienne porte à l’institution mobile de la "tente du témoignage" (skhnh_ tou= marturi/ou)26 et Jn 1,14 qui spécifie que la Parole faite chair "a dressé sa tente" (e)skh/nwsen) parmi les hommes (voir Ap 21,3.22). Remarquons enfin qu’une partie de l’accusation portée contre Etienne27 est en lien direct avec celle dirigée contre Jésus dans Jn 2,19-20. L’interprétation johannique des propos de Jésus, qui les spiritualise en identifiant la destruction et la reconstruction du Temple à celles de son corps (vv. 21-22), relativise le Temple en tant qu’institution nationale et religieuse.

Au regard de ce que la critique interne de Jean permet de discerner à propos de sa genèse, on ne peut guère parler pour cette période (avant 70) de "communauté johannique", car la tendance théologique de l’évangile était en voie de maturation et n’avait pas encore trouvé un cadre défini d’expression. On devrait plutôt parler d’une "communauté proto-johannique", caractérisée par son enracinement palestinien, ce qui intégrait ses éléments constitutifs parmi les nazoréens, puisque c’est ainsi que les fidèles du Christ étaient appelés par les Juifs non convertis de langue araméenne28. Ceux-ci ne pouvaient pas se percevoir comme membres d’un courant autonome puisqu’ils étaient encore sous l’autorité directe de l’église de Jérusalem. L’intérêt missionnaire des proto-johannites, marqués par la culture juive, était exclusivement tourné vers les demi-frères d’Israël dont les préoccupations religieuses étaient fondées sur les textes communs de la Torah. La mission samaritaine, menée en collaboration avec les Hellénistes, a certainement été une activité déterminante pour la constitution de l’identité propre du johannisme. Leur attachement aux valeurs de la Loi mosaïque leur rendait acceptable les décisions prises en 49 à Jérusalem29, car elles permettaient aux gentils, dont l’intégration dans l’Eglise faisait difficulté, de faire partie du peuple élu sans risquer de porter atteinte à l’identité primitive de la foi chrétienne, les idolothytes, l’immoralité et la kashrut alimentaire étant des prescriptions rituelles communes aux Juifs et aux Samaritains.
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florence_yvonne
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MessageSujet: Re: Juifs et Grecs dans la communauté johannique   Juifs et Grecs dans la communauté johannique EmptySam 23 Juin - 18:05

II. L’intégration des Grecs dans la communauté

Malgré cette composition essentiellement palestinienne, la communauté n’est pas restée repliée sur ses éléments d’origine. L’évangile indique aussi qu’elle s’est ouverte sur l’extérieur et a fini par toucher un public qui lui était initialement étranger. Son mode d’expression de la foi emprunte à la pensée et à la littérature grecques30, ce qui est déjà un indice important d’ouverture. Considérant les priorités missionnaires de l’église de Jérusalem, orientée vers les circoncis31, il apparaît qu’un déplacement géographique a accompagné la volonté de s’adresser à ce nouveau public. Le fait même que l’Apocalypse, qui appartient à la tradition littéraire johannique, s’adresse à sept églises implantées en Asie montre que les proto-johannites ont été amenés à dépasser les frontières de la Palestine. La localisation de ces églises est d’ailleurs l’une des données historiques les plus claires de ce document. Elle nous fournit par la même occasion le point de chute final de la tradition dont la littérature johannique est l’écho.

Trois points développés dans l’évangile permettent de déduire la présence de non-juifs dans la communauté.

Tout d’abord, l’importance accordée à la vision universelle du salut opéré par Jésus-Christ. Le dialogue entre Jésus et Nicodème révèle particulièrement l’amour que Dieu porte au monde, c’est-à-dire à sa création déchue, et son désir de l’extirper des ténèbres grâce à la lumière manifestée par son Fils unique (3,16-21; voir 8,12). Jn 3,16 demeure le verset clef de l’expression de cet amour divin: le but de ce don est "que le monde soit sauvé par lui" (3,17). Il n’est pas question d’un jugement suprême qui devrait tomber sur les impies, mais d’un souci véritable de communiquer cette connaissance du Christ à ceux qui désirent être sauvés. Le Fils, détenteur de la vie éternelle, mais aussi apte à exercer le jugement divin, est prêt à communiquer le salut à ceux qui disposent convenablement leur cœur: "En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle, il ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie" (5,24; voir 3,36). Le "pain de vie" est destiné à tous. Jésus affirme clairement qu’il ne mettra pas dehors celui qui vient à lui pour que "quiconque (pa=j) voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle" (6,35-40). La figure johannique de Jésus dépasse les modèles de représentation juifs, qui étaient ceux de la première communauté, non pas pour se mouler dans de nouveaux concepts inspirés de la pensée grecque, mais pour transcender tous les schémas de pensée du Ier siècle de notre ère. Les paroles de Jésus et de l’évangéliste adressées à l’auditoire restent en effet très générales et ne visent aucune catégorie de personne comme plus particulièrement susceptible de recevoir le salut. Les tournures qui prennent à parti les auditeurs sont très impersonnelles. Elles sont le plus souvent construites avec l’article suivi du participe présent, comme le montre l’exemple le plus fréquent du verbe "croire" (o( pisteu/wn: 1,12; 3,18.36; 5,24; 6,35.47; 7,38; 11,25; 12,44; 14,12; 17,20), quelquefois accompagné de l’adjectif pa=j (3,15.16; 12,46; voir 1,7) qui renforce l’idée de totalité. Cette construction, avec ou sans pa=j (et deux fois avec le participe aoriste: 6,45 et 7,39), se retrouve pour toutes les situations où l’auditeur est appelé à se définir par rapport au Christ32. L’emploi répété de tij (6,50.51; 7,17; 8,51; 10,9; 11,9; 13,18; 15,6) pour stipuler les mêmes conditions complète l’idée d’universalité puisque ce terme est à la fois assez flou et assez général pour comprendre tout le monde. L’objectif de ces formulations est justement de faire en sorte que les exhortations à croire en Jésus-Christ puissent trouver un écho dans n’importe quel cœur, quelles que soient l’origine et la condition de celui qui reçoit le message. Il est intéressant de noter que le désir des Grecs "qui étaient montés pour adorer" (12,20) de rencontrer Jésus, que seul Jean relate, aboutit à l’annonce de l’accomplissement imminent de la mission salvatrice du Fils dont la portée universelle se révèle en ces mots: "Pour moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes" (12,32). A la lumière de cette parole, la précision que l’écriteau sur la croix était rédigé en hébreu, en latin et en grec (19,20) revêt une force symbolique toute particulière.

On connaît la connotation négative que revêt le "monde" dans l’évangile. Toutefois les disciples, s’ils ne sont pas du monde, sont appelés, non pas à s’en extraire, mais à y jouer un rôle actif (17,15-19) en proclamant la Parole de Dieu. Parmi les titres messianiques attribués à Jésus, on trouve celui d’"agneau de Dieu qui ôte le péché du monde" (1,29) et celui de "sauveur du monde" (4,42; voir 1 Jn 4,14). Le pain de Dieu, c’est la chair de Jésus offerte pour la vie du monde (Jn 6,33 et 51). Le monde correspond sûrement à l’environnement hostile constitué par les Juifs et les païens réfractaires ou encore indifférents à l’Evangile33, mais la mission que vient remplir Jésus dans et pour le monde implique l’amour que Dieu porte à ces Juifs et ces païens. La prédication évangélique manifeste concrètement au sein du monde l’amour que Dieu lui montre en donnant son Fils unique pour son salut. La communauté johannique était tout à fait consciente de ce témoignage qu’elle devait porter à la Vérité auprès de ceux qui ne la connaissaient pas (18,37-38 .

Le second trait révélateur de ce désir des johannites de toucher le plus grand nombre est le caractère individualiste qu’attribue le 4ème évangile aux rapports entre le croyant et le Sauveur. La démarche type de conversion se perçoit dans l’épisode du témoignage rendu auprès des Samaritains. Le fait qu’elle soit incluse dans un récit concernant l’évangélisation d’un peuple étranger ne la rend que plus intéressante. Les Samaritains de Sychar, impressionnés par le discernement de Jésus à propos de la vie de la femme rencontrée au puits, l’invitent à rester quelques temps parmi eux. Au terme de ce court séjour, ils confient à la femme: "Ce n’est plus seulement à cause de tes dires que nous croyons; nous l’avons entendu nous-mêmes et nous savons qu’il est vraiment le sauveur du monde" (4,42). Le témoignage initial de la Samaritaine amène ses concitoyens à une rencontre personnelle avec Jésus d’où découle leur expérience du salut. C’est sur ce modèle de rencontre individuelle avec le Christ que Jean veut baser le vécu de ses lecteurs.

Ainsi, chacune des présentations particulières de Jésus inaugurées par les fameux e)gw/ ei)mi sont suivies d’une invitation à établir une relation personnelle avec lui par le biais de ce que ses paroles révèlent sur sa divinité. Le croyant est encouragé à manger le pain de vie (6,35), à suivre la lumière du monde (8,12), à entrer par la porte (10,9), à suivre le berger (10,14-16), à croire en la résurrection et la vie (11,25), à venir au Père par le chemin, la vérité et la vie (14,6) et à rester attaché au cep (15,5).

Jean accorde un rôle particulier à la connaissance qui apparaît comme le fruit de la communion avec Christ. Ce lien du disciple avec le Sauveur permet de connaître que le Christ vient de Dieu (10,38; 14,7.20; 17,25), la fin de cette connaissance étant la vie éternelle (17,3). Cette "gnose" johannique conduit à l’accomplissement du but déclaré de l’Evangile: "Ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom" (20,31).

Les huit miracles décrits dans l’évangile sont chargés de provoquer une réaction chez ceux qui en prennent connaissance. Soit ils suscitent et approfondissent la foi (2,11; 4,53; 5,9; 6,14; 9,1-41; 11,45; 21,7.12), soit ils provoquent et renforcent l’incrédulité (5,16; 9,1-41; 11,46-53). Ces signes, qui sont pour le disciple des facteurs révélant plus profondément le Christ, doivent déterminer un attachement véritable à sa personne, et non pas une adhésion superficielle (6,26). Le plus important est d’aimer le Christ, ce qui se manifeste par le respect de ses commandements (14,15.21.28; 15,9-11).

L’idée de communauté organisée n’est pas totalement absente de l’évangile (10,16; 20,23; 21,15-17)34, mais il est certain que pour Jean, le signe primordial de l’Eglise véritable est la communion que chaque disciple qui la compose établit et entretient avec Jésus, le pivot de leur foi.

Le troisième point qui intéresse notre étude est l’interprétation que le johannisme fait de son héritage juif. Quelques versets sont à cet égard assez révélateurs et semblent refléter des développements théologiques professant une extension de l’Evangile en dehors d’Israël.

[color=#000000]Dès le prologue, l’évangile proclame: "De sa plénitude en effet, tous, nous avons reçu, et grâce sur grâce. Si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ" (1,16-17). Les notions développées dans ces versets se rattachent directement au témoignage oculaire ("parmi nous") du v. 14 (cf. 1 Jn 1,1-3) annonçant que la Parole faite chair est venue habiter parmi les hommes "pleine de grâce et de vérité". Après celui du Baptiste (qui apparaît comme une parenthèse dans la progression du raisonnement), c’est le témoignage expérimental de la communauté ("tous") qui s’exprime. Là où les témoins oculaires contemplaient, l’Eglise reçoit, ce qui est possible grâce à l’Esprit venu enseigner les croyants dans toute la Vérité (Jn 14,26; 16,13; 1 Jn 2,27). Chaque membre de la société nouvelle des disciples du Christ peut puiser dans cette plénitude intarissable de grâce et de Vérité contenue dans le Logos. La formule "grâce sur grâce", dont l’assonance est peut-être destinée à faire impression sur l’esprit des lecteurs35, prend tout son sens dans la mesure où nous considérons que l’auteur s’apprête à exposer les deux caractéristiques fondamentales (grâce et Vérité) de la plénitude dont il vient de parler. Son sens finit d’être éclairé par l’opposition Loi / grâce et Vérité du verset suivant. Cette expression veut signifier que par la foi en la Parole faite chair la grâce est appelée à continuellement se manifester dans la vie des disciples, sans qu’aucune œuvre préalable de leur part ne dispose de cette abondance. Cette antithèse révèle l’intention de l’auteur d’expliquer comment on est passé d’un régime à l’autre, assurément parce que le premier représente le contexte initial dans lequel il a évolué. Il lui apparaît nécessaire d’indiquer au seuil même de l’évangile, même en des termes lapidaires, la relation entre la révélation apparemment nouvelle de Jésus-Christ et la révélation fondatrice pour les Juifs que Dieu avait solennellement communiquée à son peuple dans le désert. Il n’est pas question de nier la légitimité de la Loi, mais de proclamer une économie nouvelle, fondée sur la personne de Jésus-Christ. Désormais, le salut ne dépend plus de la soumission aux exigences de la Loi, mais du don gratuit de Jésus-Christ d’où découle désormais tous les bienfaits. L’utilisation de la préposition dia_ pour Moïse et Jésus-Christ signifie le rôle égal de médiation qu’ils ont joué tous les deux. Mais l’emploi de di/domi à l’aoriste passif dans le premier cas met en relief l’extériorité de la Loi par rapport à son médiateur et montre que l’action du don est subie par le sujet, tandis que l’emploi de gi/nomai à l’aoriste moyen dans le deuxième cas associe grâce et Vérité à la personne même de Jésus-Christ. Il n’est donc plus tant question d’observer une tradition religieuse déterminée que de rencontrer une personne, Dieu le Fils unique, le seul capable de communiquer la Vérité aux hommes du fait de sa relation permanente avec le Père que jamais personne, sauf lui, n’a pu voir tel qu’Il est. Le Logos a été méconnu par les siens (Jn 1,11), les Juifs, à qui était prioritairement destiné l’Evangile. Cependant sa mission ne s’achève pas avec cet échec, car la foi donne à ceux qui ont cru, et qui par-là sont nés de nouveau (3,3-8 la possibilité de devenir enfants de Dieu. Et ceux-là "ne sont pas nés du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu" (1,13). Ce verset, s’il ne contient pas de charge spécifiquement polémique, ne peut toutefois pas être isolé du v. 11 qui évoque le rejet que le Logos a connu de la part des siens. Les propos contiennent bien l’idée d’une ouverture plus large, fondée sur l’expérience individuelle. Cette portée universelle est signifiée par le singulier "tout homme" du v. 9 qui écarte d’emblée toute tentative d’approche communautaire du salut. La Loi se trouve dépassée par la puissance de la grâce dont la portée est universelle, puisqu’elle ne prend pas en compte l’origine ethnique ou la tradition religieuse (souvent associées à cette époque), mais la disposition personnelle du cœur.
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florence_yvonne
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MessageSujet: Re: Juifs et Grecs dans la communauté johannique   Juifs et Grecs dans la communauté johannique EmptySam 23 Juin - 18:07

Paul avait déjà contesté le privilège de la race pour l’acceptation du salut. Romains opère à cet égard une sérieuse remise à l’ordre au sujet des Juifs qui s’enorgueillissaient de leurs origines et du statut supérieur qu’ils croyaient leur devoir36. C’était désormais la circoncision du cœur37 qui primait et l’on sait comment l’Apôtre vint à développer dans sa lettre l’idée de la grâce par rapport à la Loi pour enseigner la supériorité de la première sur la seconde et l’égalité qu’elle instaure entre Juifs et païens. Ce sont les enfants de la promesse faite à Abraham qui sont enfants de Dieu, et non ceux de la chair38. Le Saint-Esprit, à l’origine de la nouvelle naissance, ou de l’équivalent paulinien de la nouvelle création39, témoigne directement aux croyants qu’ils sont enfants de Dieu40. La pensée de Paul se trouve synthétisée dans Ep 2,8-22 où la grâce est présentée comme étant à l’origine de l’intégration des païens dans la "maison de Dieu".

Jn 5,39-40.45-46 manifestent une profonde préoccupation christologique à l’égard des Ecritures. Il s’agit avant tout d’établir un lien logique entre l’œuvre du Christ et la révélation qui formait l’arrière-plan de son enseignement. Cette démarche indique que la relation avec le Judaïsme était encore forte au sein de la communauté, ce qui se comprend si son élément juif est resté influent après l’adhésion des Grecs. Dans le contexte de la fin du Ier siècle, les propos de Jésus contenus dans ces versets peuvent être compris comme une critique dirigée contre le rabbinisme de Yavné qui travaillait alors à définir un Judaïsme normatif dont les règles étaient fixées d’après une scrupuleuse exégèse des Ecritures. L’étude que les Juifs font de l’Ecriture semble n’être qu’un travail de surface. Elle n’en saisit pas la profondeur et ne leur permet pas de découvrir ce que Dieu avait déjà révélé à propos de Son Fils dans le cadre de l’ancienne économie. Moïse, n’apparaît pas comme le garant du bien fondé d’une exégèse qui se réfère à la révélation dont il a été le médiateur, mais, au contraire, comme celui qui en met en lumière les erreurs, la Torah contenant prophétiquement tout ce qui regarde le Christ. La valeur de la Loi se trouve résumée dans cette réalité, devenant ainsi bénéfique pour tous les hommes.

Cette focalisation sur l’accomplissement christologique fait écho aux propos de Paul qui se navrait de la difficulté des Juifs, dont l’intelligence était obscurcie et voilée, à comprendre les Ecritures41.

En Jn 6,28-29, le Christ répond à l’interrogation de ses auditeurs qui se demandent quelles sont les œuvres à accomplir pour obtenir la vie éternelle. L’expression "œuvres de Dieu", que les gens de la foule utilisent, revêt une signification légale. Ce sens ressort de la réponse de Jésus qui les réduit à une seule œuvre: la foi en lui. Croire en celui que Dieu a envoyé devient la seule condition du salut. Là encore, l’évangile met l’accent sur le don de la grâce, accessible aux hommes par la foi, en l’opposant aux mérites de la Loi. L’expression johannique "l’œuvre de la foi" est proche de l’expression paulinienne "la loi de la foi"42. Ces deux formulations, qui apparaissent paradoxales par leur allusion volontaire à la Torah, insistent sur l’investissement moral que nécessite la bonne disposition de l’homme vis-à-vis de Dieu. Le paulinisme contenu dans ce passage est flagrant et est sans doute plus nettement lisible ici que dans les autres versets étudiés. Ces deux versets apparaissent comme un résumé saisissant de la théologie contenue dans Galates et Romains, et là plus qu’ailleurs se reflète l’influence d’une pensée qui a ouvert toutes grandes les portes de l’Eglise aux gentils. L’idée est accentuée aux vv. 32-33 dans le contraste entre le pain que Moïse a donné pour nourrir le peuple juif et Jésus, le vrai pain, "celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde." Ce qui a sans doute été primitivement compris par les destinataires juifs de cet enseignement comme un accomplissement des Ecritures (la manne divine = élément de vie parfaitement réalisé en Christ) est devenu une réalité universelle grâce à la compréhension de la foi.

En Jn 7,21-24, l’accent est mis sur l’esprit de la Loi plutôt que sur son observation aveugle. Le véritable respect de la Loi répond à des préoccupations supérieures au souci de la lettre. Le texte fait entendre qu’en faisant circoncire les enfants le huitième jour après leur naissance, si ce jour est un sabbat, le repos légal n’est pas respecté. Les Juifs qui voulaient condamner Jésus pour une guérison opérée un jour de sabbat (celle du paralytique de la piscine de Bethzatha) se condamnent eux-mêmes puisqu’ils sont tous amenés par la Loi à transgresser le commandement43. Le but de la cérémonie est évidemment d’intégrer l’enfant au peuple de Dieu afin qu’il bénéficie du salut assuré par l’alliance mosaïque. A ce titre, rien ne permet de condamner l’œuvre de Jésus dont la plénitude (il a guéri "un homme tout entier"), loin de contredire la Loi de Moïse, l’accomplit parfaitement en mettant en pleine lumière son but ultime de salut. Les mots dia_ tou=to font la liaison entre le v. 21, exposant l’œuvre de Jésus et l’étonnement des Juifs, et le v. 22, contenant l’explication de Jésus sur l’interférence entre circoncision et sabbat. Cette interférence apparaît alors comme le motif même de son œuvre, comme si le conflit entre les deux rites avait été prévu par Moïse pour donner raison au Christ44. Le but du respect de la circoncision est d’éviter d’enfreindre la Loi de Moïse qui porte sur un seul membre du corps tandis que le but de l’œuvre de Jésus est la guérison d’un malade qui porte sur tout le corps, le miracle démontrant que l’amour et le bien l’emportent sur le rite. Cette présentation a deux implications. D’abord, l’attribution de la circoncision à Moïse (Lv 12,3) est suivie d’un correctif, qui ressemble à une note de l’auteur: "non qu’elle soit de Moïse mais des patriarches". Cette précision signifie que la circoncision est une tradition qui ne faisait pas partie de la Loi dans la mesure où, remontant à Abraham, elle existait déjà avant sa promulgation. La circoncision prime néanmoins sur le sabbat qui, lui, fait partie des dix commandements. Ces considérations cherchent à atteindre la fierté démesurée que les Juifs tiraient de leur attachement à Moïse. Ensuite, la circoncision est réduite à son sens cérémoniel, mettant ainsi le salut au niveau d’un symbole rituel. La guérison est supérieure à ce ritualisme, car elle comprend tout le corps, elle est visible et irréfutable et a manifesté la divinité de Jésus (5,18). L’implication spirituelle du salut (5,14) est ici représentée par le relèvement nécessaire du malade pour lequel le rapport à la Loi est passif.

Paul avait déjà exprimé la pensée de la priorité d’Abraham sur l’alliance mosaïque. Son exégèse de Gn 15,6 le conduisait à conclure que "ce sont ceux qui ont la foi qui sont fils d’Abraham"45. La bénédiction divine repose donc sur les croyants de toute origine, considérés comme les fruits de la promesse d’une postérité nombreuse faite à Abraham. Paul utilise l’exemple d’un testament, qui dans l’usage humain est inviolable, pour illustrer sa réflexion: "Voici donc ma pensée: un testament en règle a d’abord été établi par Dieu. La Loi, venue quatre cent trente ans plus tard, ne l’abroge pas, ce qui rendrait vaine la promesse"46. Ainsi est-il clair que c’est par cette promesse, et non par la Loi, que Dieu a accordé sa grâce à Abraham dans la prévision qu’Il justifierait les païens par la foi47. L’incapacité à observer la Loi dans son intégralité48 est un signe de l’inefficacité de celle-ci pour l’obtention du salut, ce qui implique une nouvelle approche dans laquelle elle ne joue pas de rôle central.

La postérité d’Abraham fait également partie de l’argumentaire théologique de Jean, bien que son traitement ait ses propres nuances. Elle est utilisée pour condamner l’orgueil ethnico-religieux des Juifs. Ceux-ci, en se prévalant de la postérité d’Abraham (8,33.39), exposent fièrement l’élection divine et le statut religieux hors du commun dont le bénéfice leur assure, quelles que soient les conditions politiques et sociales, une totale indépendance d’esprit. Le contraste avec les païens asservis à l’idolâtrie est sous-jacent. Sans nier l’authenticité historique de cette descendance, Jésus affirme qu’il est néanmoins nécessaire d’être affranchi par lui de cette réalité spirituelle et universelle de l’esclavage du péché, ce qui est conforme à l’enseignement de Rm 6,16-23. L’interpellation "Si vous êtes des enfants d’Abraham, faites donc les œuvres d’Abraham" se comprend mieux si nous prenons en considération la compréhension christologique des Ecritures et l’intérêt pour la démarche personnelle de la foi examinés plus haut. Les Juifs sont appelés à imiter la constance face à la vérité révélée, ainsi que la fidélité et la soumission à Dieu dont a fait preuve le patriarche. C’est cette marche par la foi qui l’a conduit à se réjouir de la venue du Messie (8,56). Il est difficile, étant donné la référence à la postérité d’Abraham, de ne pas mettre cette venue en relation avec la promesse de Gn 12,3 dont s’est servi Paul pour justifier la présence des païens dans l’Eglise. Ce texte montre qu’une partie de la communauté, peut-être encore liée à la synagogue car composée de "Juifs ayant cru en lui" (8,31), a donné un sens exclusif à la postérité d’Abraham et s’est affrontée à ce propos à une autre partie de la communauté qui avait une intelligence différente et plus ouverte de la descendance d’Abraham. Les préjugés nationaux de la première tendance se sont sans doute heurtés à l’entrée d’éléments non-juifs dans la communauté49.

Ces relations scripturaires ne permettent évidemment pas de conclure à une influence déterminante du paulinisme sur le johannisme. Les deux pensées sont trop profondément originales pour que nous puissions penser à une quelconque dépendance de l’une par rapport à l’autre. Mais on ne peut pas nier le caractère fondateur de la pensée de Paul quant à la réception sans condition des gentils dans l’Eglise. L’exercice de son ministère à Ephèse a été décisif pour l’évangélisation du reste de l’Asie50. Même s’il n’a pas été personnellement à l’origine de toutes les églises de la région, sa pensée a inévitablement laissé des traces, dont a pu tenir compte la tradition johannique, et une voie à suivre quant à la portée universelle de l’Evangile.

Par ailleurs, Jean manifeste le souci de se mettre à la portée d’un auditoire dont le grec est la langue coutumière et pour qui le langage et les usages juifs ne sont pas connus. Ainsi traduit-il de l’hébreu en grec des termes (1,41; 4,25; 1,38; 20,16) et des noms de personnes (1,42; 20,24)51 ou de lieux (5,2; 9,7; 19,13.17). Employer la forme 'Ieroso/luma au lieu de celle, plus sémitique, de 'Ierousalh/m, ou bien préciser que la mer de Galilée est la mer de Tibériade exprime la volonté de Jean d’évoquer des lieux plus connus sous leur nom grec52. Enfin, Jean donne quelques explications permettant de comprendre que les vases de pierre contenant l’eau transformée en vin le jour du mariage de Cana étaient destinés "à la purification des Juifs" (2,6) et que lier un cadavre avec des bandelettes et des aromates était "la manière d’ensevelir des Juifs" (19,40). Autant d’éléments permettant de discerner que la majorité des lecteurs de l’évangile ne partageait pas les connaissances juives véhiculées par les premiers convertis53 dont fait partie le rédacteur. Le fait que le lectorat de Jean se soit désolidarisé du monde juif paraît dans la distance que Jésus prend dans ses discours vis-à-vis de ses auditeurs juifs lorsqu’il leur parle de "votre loi" (8,17; 10,34), de "leur loi" (15,25) ou de "vos pères" (6,58; 8,56) alors que pour l’évangile, et donc pour la communauté, l’Ancien Testament continuait de faire autorité. Les Juifs, amis ou ennemis de Jésus, sont mis en scène avec le même souci de distance lorsqu’ils parlent de "notre loi" (7,51; 19,7). Si la communauté était uniquement composée de Juifs, parler de Pâque ou de la fête des tentes comme de "la fête des Juifs" (6,4; 7,2; voir aussi 5,1) aurait peu de sens. Ces précisions, qui prennent une valeur singulière dans cet évangile d’expression hellénistique, donnent plutôt à penser que la composante juive de la communauté était devenue minoritaire ou bien était en passe de le devenir. Ainsi, la façon typique dont Jean désigne les contemporains de Jésus — les Juifs —54 ne vise aucune catégorie spéciale du peuple, mais revêt plutôt une signification générale servant à qualifier la réalité d’un groupe ethnique devenu ou en voie de devenir étranger à la communauté. Sur ce point, remarquons que les croyants mentionnés dans 3 Jn 1,9.12 portent tous des noms latins et grecs: il s’agit de Gaïus, Diotrèphe et Démétrius, les deux premiers étant chacun responsables, dans la même ville, d’une église de maison et le dernier étant un missionnaire itinérant dépendant de l’autorité de l’Ancien et porteur du présent billet destiné à le recommander auprès de Gaïus.


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MessageSujet: Re: Juifs et Grecs dans la communauté johannique   Juifs et Grecs dans la communauté johannique EmptySam 23 Juin - 18:08

L’Apocalypse s’accorde sur le fond avec les résultats de cette exégèse de Jean. La prédominance des thèmes juifs du livre s’harmonise bien avec les accents universalistes du prophète (particulièrement Ap 5,9-13; 7,3-12; 21,3.24; 22,2). Les relations qui existent entre Jean et l’Apocalypse à propos de la doctrine, du langage ou de l’exégèse sont de claires indications que les deux documents s’adressent à une communauté identique comprenant des éléments juifs et grecs55. Au moment de sa rédaction (certainement prioritaire à celle de l’évangile et des lettres), les gentils étaient parfaitement intégrés dans la dimension du salut56.

La localisation de la communauté qui reçut les écrits johanniques dans l’état actuel de leur composition permettrait de jeter quelques lumières sur le contexte de son existence. Pour ce qui est du lieu de rédaction de l’évangile (qui suppose celui des épîtres), la tradition ancienne se prononce sans ambiguïté pour Ephèse57. Plusieurs alternatives ont été proposées58, mais chacune d’entre elles repose sur la critique interne de l’évangile, qui n’apporte aucun indice précis sur son lieu d’origine, et surtout ces propositions n’expliquent pas vraiment le témoignage puissant de la tradition en faveur d’Ephèse. L’Asie Mineure reste donc la meilleure candidate pour le lieu de naissance de la littérature johannique, ce qui a pour conséquence de nous indiquer le lieu d’implantation de la communauté à laquelle elle était destinée. Le souci pastoral des chapitres 2 et 3 de l’Apocalypse semble assez le confirmer. L’Asie présente d’ailleurs les caractéristiques requises permettant d’expliquer ce couplement d’une mentalité juive persistante avec une volonté d’ouverture sur le monde grec. Les Juifs étaient en effet fermement établis en Asie depuis le règne d’Antiochos III (223-187) et avaient installé dans cette région des communautés nombreuses et influentes qui obligèrent les souverains hellénistiques à leur octroyer un statut particulier59. Leur importance était telle que les Romains furent amenés à confirmer les privilèges religieux et politiques60, contestés par les Grecs, qui leur permettaient de rester fidèles à leurs coutumes nationales. Les Juifs bénéficiaient ainsi de la liberté de culte, d’une dispense militaire, d’une autonomie financière permettant de collecter la taxe destinée au Temple et dans certains cas, comme à Sardes, d’un pouvoir de juridiction les autorisant à juger, dans leur lieu de réunion, "leurs affaires et leurs contestations61 ... de se réunir, se gouverner, se juger entre eux, suivant leurs coutumes"62. La Synagogue d’Asie avait donc la main haute pour tout ce qui touchait la discipline interne de la communauté, ce dont ont pâti les Juifs convertis au Christianisme63. Ainsi, bien qu’implantés en terre païenne, les Juifs d’Asie vivaient dans un cadre qui garantissait leur spiritualité. L’Asie était encore à l’époque romaine un puissant foyer d’hellénisme. La réputation de Smyrne ou d’Ephèse en matière de culture rhétorique et philosophique n’était plus à faire, ce qui est susceptible de nous éclairer sur l’expression grecque du quatrième évangile. Le Logos johannique peut apparaître comme un élément classique du langage philosophique, chargé de sens autant pour un Juif qu’un Grec64, ceci particulièrement en Asie, puisque l’utilisation première de ce terme remonte à Héraclite, qui vécut à Ephèse au VIème siècle. Sans doute sous les effets de la guerre de 66-70, la mission chrétienne hellénistique a été relevée, sinon secondée, par une mission nazoréenne qui, dans un premier temps, a continué de diriger ses efforts d’évangélisation vers les frères juifs mais qui s’est ouverte sur la réalité d’une Eglise dans laquelle les gentils composaient déjà une large proportion. Ce mouvement missionnaire des Juifs vers les Grecs est clairement sous-entendu dans l’interrogation des auditeurs de Jésus lorsque que celui-ci évoqua son départ vers le Père: "Va-t-il rejoindre ceux qui sont dispersés parmi les Grecs? Va-t-il enseigner aux Grecs?" (7,35). Les destinataires de l’évangile étaient aptes à saisir l’ironie d’un propos dans lequel ils reconnaissaient leur situation. Le sens missionnaire qu’il convient d’attribuer aux "autres brebis qui ne sont pas de cet enclos" n’en devient que plus clair: les Grecs sont appelés à rejoindre les Juifs dans la Vérité afin qu’il y ait "un seul troupeau et un seul berger" (10,16; voir 11,52).

La communauté johannique donne l’impression d’être ouverte aux gentils sans toutefois vouloir perdre son identité juive, une identité originelle qui était encore assez forte pour imprégner la rédaction du quatrième évangile. La mention de la consommation de viandes sacrifiées et de la prostitution que l’on trouve dans les lettres de Pergame et de Thyatire (Ap 2,14.20) montre que le décret apostolique était encore en vigueur dans les églises d’Asie à la fin du Ier siècle. Sa stricte observation prouve la mixité des communautés d’Asie. D’autre part, la rupture avec la synagogue est patente et la qualification de "synagogue de Satan" (2,9 et 3,9) exprime la profonde hostilité qui existait entre les disciples et les Juifs65. Il est possible d’établir une relation entre ce témoignage d’inimitié et l’importance que Jean accorde à l’exclusion de la synagogue (9,22; 12,42; 16,2). L’intérêt pour cette situation indique que la communauté a été marquée par cette marginalisation qui coupait une grande partie des disciples de leurs racines et les privait de la liberté religieuse qui leur était accordée par les Romains. Tous ces éléments renforcent l’idée que, malgré une activité missionnaire juive, les Grecs étaient majoritaires dans les assemblées. La mission johannique, d’origine nazoréenne, s’est d’abord occupée à évangéliser les Juifs et a sans doute rencontré un certain succès dans la diaspora d’Asie Mineure. Ce succès fut assez déterminant pour que les églises d’obédience johannique conservent, alors que les païens avaient grossi les rangs, une tutelle juive dont le disciple bien-aimé de l’évangile, l’Ancien des épîtres et le prophète de l’Apocalypse apparaissent comme les principales références, le premier comme relais du témoignage historique remontant à Jésus, le second comme remplissant des tâches d’enseignement et d’organisation inhérentes à la fonction apostolique, et le troisième comme exhortant les fidèles face aux dangers internes et à la persécution66. Les Juifs chrétiens, n’étant plus protégés par le statut légal reconnu au Judaïsme, devaient ajouter à la douleur de la séparation de la synagogue la possibilité d’être soumis à la persécution. Ils étaient maintenant dans l’obligation de se rallier entièrement à la base d’organisation des églises de maison67 dans lesquelles les pagano-chrétiens, depuis longtemps organisés sur ce mode, étaient nombreux et actifs. Les repères fondamentaux de l’identité juive que fournissait l’appartenance à la synagogue avaient sauté et les Juifs exclus, malgré leurs origines, étaient désormais considérés comme des chrétiens, autant à cause de la pression externe que du souci de définition interne d’une communauté où la place des païens était importante. Il est alors probable qu’un bon nombre de Juifs convertis, effrayés par la supériorité numérique des païens, se soient employés à défendre la judaïté de la foi en Christ par crainte d’une dissolution dans le monde ambiant. C’est ce qui explique l’attachement des églises d’Asie au respect du décret apostolique, alors que les conditions historiques n’étaient plus les mêmes qu’au temps de sa promulgation. La controverse avec les judaïsants était close, notamment parce que les pressions nationalistes, qui conduisirent à la guerre, avaient disparu. Son imposition semblait [color=#000000]malgré tout encore nécessaire pour préserver la foi chrétienne des influences d’une société marquée par l’idolâtrie et le laxisme moral. Cette décision, revêtue de l’autorité des Apôtres, représentait un solide rempart face au danger que faisaient peser sur la société des disciples les coutumes et les systèmes de pensée composant la culture d’origine des pagano-chrétiens. Les Juifs percevaient sans doute la menace latente qu’incarnait le syncrétisme dans lequel baignait la province. En tout cas, ils ne voulaient pas prendre le risque de voir la foi, pour laquelle ils avaient déjà payé un prix si cher, se pervertir au contact des Grecs qui se convertissaient. L’acceptation de cette discipline était une concession importante de la part des pagano-chrétiens d’Asie qui, sous l’influence de la pensée paulinienne, étaient acquis à une plus grande liberté d’action dans le domaine alimentaire68 avant que les Juifs ne côtoient exclusivement les réunions chrétiennes. Les prescriptions alimentaires donnaient une coloration nettement judaïsante à la foi chrétienne car elles composaient une des caractéristiques qui distinguait le plus clairement les Juifs des nations69, et ceci tout particulièrement en Asie où des dispositions légales réglementaient ce point précis, comme à Ephèse et dans les villes voisines où la dispense militaire accordée aux Juifs reposait en partie sur le problème d’approvisionnement en nourriture kasher70, à Milet où il était interdit de les empêcher "de préparer leur récolte suivant leurs coutumes"71, ou encore à Sardes où le décret en faveur des Juifs précise que "les agoranomes de la cité auront soin de faire introduire dans la ville tout ce qui sera nécessaire pour leur subsistance"72. D’autre part, cette obligation alimentaire conduisait à limiter les contacts des pagano-chrétiens avec leur entourage (famille, amis, collègues)73 qu’ils avaient le devoir d’évangéliser.
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MessageSujet: Re: Juifs et Grecs dans la communauté johannique   Juifs et Grecs dans la communauté johannique EmptySam 23 Juin - 18:08

III. La crise interne

La nature de l’enseignement que combat 1 Jn reste difficile à saisir. Toutefois, on peut raisonnablement penser que les faux docteurs qui furent à l’origine de la sécession professaient une christologie docète débouchant sur une éthique antinomienne74. Sur le plan doctrinal, le docétisme, dont les origines sont mal connues, renvoie indéniablement à des conceptions philosophiques grecques, plus précisément platoniciennes, dissociant les vérités du monde intelligible des apparences du monde sensible. Ces représentations se sont imposées par l’entrée dans la communauté de païens cultivés qui utilisèrent leurs connaissances philosophiques et religieuses pour interpréter le message évangélique. La substance grecque de cette doctrine se révèle lorsque l’auteur écrit que les faux docteurs "parlent selon le monde" et que "le monde les écoute" (1 Jn 4,5). Sur le plan éthique, les faux docteurs enseignaient que le mal, transcendé par la connaissance de la vérité, n’avait aucune incidence sur la communion avec Dieu (1,6-10). Cette position conduisait à l’adoption d’un comportement moral peu conforme aux exigences évangéliques. L’Apocalypse garde la trace d’une confrontation de plusieurs églises d’Asie avec un antinomianisme moral. Les Nicolaïtes enseignaient en effet l’indifférence à l’égard des cultes païens et de l’impudicité75. Ce dernier terme peut se comprendre dans le sens que lui donne l’Ancien Testament où il qualifie la participation aux actes d’idolâtrie. C’est d’ailleurs un sens auquel le prophète est attaché lorsqu’il décrit Babylone sous les traits d’une prostituée avec laquelle forniquent les rois de la terre (Ap 17,1-5), signifiant ainsi l’allégeance des peuples de l’Empire au système politico-religieux de Rome. Le syncrétisme auquel furent portés certains membres de la communauté donne une valeur littérale à l’exhortation finale de 1 Jn 5,2176. Mais le sens propre peut aussi s’appliquer dans la mesure où la participation à certaines cérémonies religieuses pouvait entraîner un comportement immoral77. Les "faux prophètes" de 1 Jn 4,1 s’autorisaient de leur inspiration pour encourager les chrétiens au mépris de la chair (vv. 2-3) tout comme Jézabel, "qui se dit prophétesse" (Ap 2,20), encourageait les chrétiens de Thyatire à la prostitution. Leur refus des effets du péché reposait sans doute sur la prétention d’avoir pleinement saisi la réalité du mal (ils ont sondé les "profondeurs de Satan" [2,24]) et de s’en affranchir totalement par l’indifférence morale. L’attitude de ceux qui ont écouté l’enseignement des Nicolaïtes est stigmatisée sur la base de la violation du décret apostolique (2,14.20), ce qui montre le rôle fondamental qu’il jouait pour le maintien de la cohésion interne des églises. La limite qu’il constituait pour juger si le monde ne pénétrait pas dans la communauté a été franchie et a entraîné la dislocation de celle-ci. Les "hérétiques" ont probablement fait le pas de la séparation parce qu’ils ne parvenaient pas à convaincre le reste de la communauté qui les a "vaincus" (1 Jn 4,4) en restant fidèle à la Vérité. Mais la division a créé des tensions qui se sont naturellement exacerbées en se polarisant sur les différences ethniques et culturelles de la communauté. L’atmosphère était d’autant plus lourde que, malgré les précautions disciplinaires du décret, le trouble avait surgi du milieu des disciples. Les judéo-chrétiens étaient méfiants vis-à-vis des pagano-chrétiens d’où l’hérésie était survenue, tandis que les pagano-chrétiens voyaient là l’occasion de contester, sans suivre les séparatistes dans leur comportement outrancier, la discipline juive imposée par le décret dans le domaine des viandes sacrifiées. Il s’agissait pour l’Ancien de réconforter et d’affermir des fidèles déçus par la défection de leurs anciens frères et peut être encore en proie au doute. Il les exhorte à se ressaisir pour que l’unité soit de nouveau à l’ordre du jour. Cette unité ne pouvait se retrouver que par la mise en pratique du "commandement nouveau": l’amour mutuel (2,7-11; 3,11.23; 4,7.12; voir Jn 13,34-35; 15,12-13.17; 2 Jn 5-6)78.

La mise en application de ce commandement prend le contre-pied de l’attitude des faux docteurs qui prétendent connaître Dieu mais ne le manifestent pas en méprisant ceux qui ne les ont pas suivis (2,9.11; 3,11-12; 4,20). L’auteur présente à trois reprises l’amour comme le meilleur critère de fidélité à la Vérité et ceci à chaque fois en contraste avec l’enseignement et le comportement des schismatiques. L’amour prouve que l’on est dans la lumière, contrairement aux opposants qui sont dans les ténèbres (2,10/2,9.11); que l’on est vivant spirituellement, contrairement à ceux qui demeurent dans la mort (3,14a/3,14b-15); que l’on est né de Dieu et que l’on connaît Dieu, tandis que celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu (4,7/4,bisou1. C’est dans les deux derniers traitements du thème de l’amour mutuel que transparaît le plus la volonté de l’auteur de réconcilier la communauté.

Dans la deuxième section, il stigmatise l’indifférence morale des dissidents qui prétendaient être justes malgré un comportement jugé immoral (3,4-9). L’un des éléments permettant de reconnaître que l’on est enfant du diable et non enfant de Dieu est le manque d’amour à l’égard de son frère, ce qui est là une façon de critiquer la suffisance des sécessionnistes envers ceux qui ne les ont pas suivis. Cette réflexion est le pivot de la pensée de l’auteur sur la justice (v. 10) et débouche sur l’exemple de la trahison fraternelle de Caïn, compris comme symbole du monde et de sa haine (vv. 11-13). Cet exemple, bien adapté à une situation de division dans la communauté, permet d’énoncer avec force que l’amour mutuel est la preuve de la nouvelle naissance et qu’il est normal qu’il s’exprime entre les frères, même jusqu’à donner sa vie, à l’image du Christ (vv. 14-16; voir Jn 15,12-13). Le texte passe abruptement du summum de cette preuve d’amour à une exhortation très concrète: "Si quelqu’un possède les biens de ce monde et voit son frère dans le besoin, et qu’il se ferme à toute compassion, comment l’amour de Dieu demeurerait-il en lui?" (v. 17). Bien que renforçant la condamnation de l’attitude des sécessionnistes, cet appel à la générosité vise la communauté fidèle, comme le suggère le caractère nettement pastoral des vv. 16 et 18-24. La division a certainement entraîné des difficultés matérielles pour la communauté, car les païens séparatistes, pétris d’un enseignement classique, étaient sans doute d’un niveau social élevé79 et constituaient une source de revenu importante pour le partage fraternel. Les plus pénalisés étaient les Juifs de condition modeste qui ne pouvaient plus bénéficier du secours de la synagogue. Ce que nous savons de la richesse et de l’influence des communautés juives d’Asie80, acquises grâce à leur implantation ancienne dans les cités, laisse supposer que la caisse de secours des synagogues81 subvenait efficacement aux besoins des mal nantis. Il était donc vital de surmonter les différends engendrés par la crise pour pourvoir aux besoins des frères en difficulté. Le devoir d’assistance fraternelle était une expression caractéristique de la piété juive82. L’encouragement de l’auteur à composer s’appuie, une fois encore, sur une des obligations emblématiques scellant l’appartenance légale au peuple de Dieu et à laquelle les judéo-chrétiens, du temps du décret, avaient souhaité que se soumettent les pagano-chrétiens83. Foi en Jésus-Christ et amour mutuel, les deux éléments permettant de juger du maintien dans la Vérité, permettront de résoudre les problèmes de conscience hérités de cette pénible situation (vv. 18-24).


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MessageSujet: Re: Juifs et Grecs dans la communauté johannique   Juifs et Grecs dans la communauté johannique EmptySam 23 Juin - 18:09

Dans la troisième section, l’amour des uns pour les autres est clairement relié à sa source, à savoir l’amour de Dieu, qui s’est manifesté par le don de son Fils comme victime propitiatoire (4,9-11). L’auteur tente visiblement de concilier les deux perceptions différentes du salut qu’ont les membres de la communauté. La tendance des pagano-chrétiens était d’enraciner leur foi dans la doctrine, fixant leur attention sur le Christ exalté, ce que prouve assez la nature de la division. Les judéo-chrétiens avaient plutôt tendance à enraciner leur foi dans l’histoire, fixant leur attention sur le Jésus historique et le témoignage de ses disciples, ce que montre l’intérêt pour le décret. Chaque approche représentait une solution pour établir la communion avec un Dieu véritable, mais invisible (4,12). L’auteur insiste d’abord sur le rôle du Saint-Esprit qui témoigne, par une opération de nature spécifiquement spirituelle, que "nous demeurons en Dieu" (v. 13), ce qui est un appel aux disciples juifs à considérer la réalité de cette expérience mystique, si subjective soit-elle. Il met ensuite en valeur le témoignage historique qui confirme péremptoirement que l’insertion tangible du Fils dans le monde est à l’origine du salut voulu par Dieu (v. 14), ce qui est un appel aux disciples grecs de prendre un peu plus en considération le caractère concret des origines de leur foi et ce que cela implique sur le plan de l’autorité et de la discipline. L’union dans l’amour, qui atteste la manifestation de Dieu dans la vie des chrétiens et leur maintien dans la Vérité (vv. 12 et 15-17. Voir 2 Jn 4-7; Jn 17,20-23), se fait à part égale autour de ces expériences mystiques et historiques. L’amour que tous trouvent en Dieu doit se refléter dans les relations entre frères (vv. 20-21), car "celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut aimer Dieu qu’il ne voit pas". Les formules "si nous disons..." (1,6.8.10) et "celui qui dit..." (2,4.9; 4,20) sont des indices assez précis pour repérer les affirmations des opposants de 1 Jn. Mais dans ce dernier cas, l’emploi de o(ra/w au parfait, qui insiste sur une vision continuelle du frère, indique que les considérations morales des vv. 20-21 visent surtout la position des fidèles les uns par rapport aux autres, les opposants n’étant considérés que de façon secondaire, comme par comparaison84, puisque ceux-ci avaient quitté la communauté.

Ce profond désir de réconciliation est également exprimé dans l’exhortation à prier pour le frère qui commet "un péché qui ne conduit pas à la mort" (5,16a), le péché conduisant à la mort (v. 16c)85, pour lequel la prière n’est pas spécifiquement préconisée (v. 16d), devant être interprété à la lumière du faux enseignement dénoncé par l’épître: celui qui ne reconnaît pas le rôle primordial du Fils dans la Rédemption (2,22-25; 4,1-3.14-15; 5,1-5; 2 Jn 7.9), et qui a quitté la communauté pour cette raison, ne peut guère revenir à la vie, puisqu’il a péché consciemment et renonce ainsi volontairement à son salut. L’auteur en appelle à la responsabilité de tous les croyants, Juifs et Grecs, afin que, par leur intercession, ils soutiennent ceux qui n’ont pas suivi les sécessionnistes, mais dont la foi a été ébranlée par la division. La prière apparaît, dans ce contexte de crise, comme un excellent moyen pour resserrer les liens fraternels et restituer un climat de confiance à l’intérieur de la communauté. Toutefois, le retour à l’unité ne se base pas simplement sur l’expression de bons sentiments. Cette demande d’intercession s’intègre dans le cadre d’un énoncé doctrinal insistant sur la nécessité d’acquérir une intelligence commune de la Vérité centrée sur la réalité divine et historique de Jésus-Christ (vv. 6-13 et 20). Le frère pour qui l’on prie est appelé à recevoir "la vie" (v. 16b), conformément à la doctrine défendue par l’auteur où vie éternelle et foi dans le Fils de Dieu sont indissociables.

La littérature johannique laisse percevoir les contours d’une communauté composée de Juifs et de païens, établie en Asie Mineure mais marquée par son héritage juif. La mission nazoréenne dont elle est en partie issue, a certainement commencé à se démarquer de ses spécificités nationales, caractéristiques de l’église-mère de Jérusalem, en œuvrant auprès des Samaritains. La vocation universelle de la foi devint une chose acquise lorsqu’elle opéra sur un terrain où la présence sans condition des païens dans l’Eglise était déjà une évidence, ce qui n’était pas facile à accepter pour tous les Juifs en un temps où la Loi jouait un rôle essentiel dans la redéfinition yavnéenne de l’appartenance au peuple de Dieu. Le sens donné à la "postérité d’Abraham" a sans doute été un élément déterminant dans l’acceptation ou le rejet définitif de la foi chrétienne. La difficulté principale de l’autorité juive qui continuait de diriger la communauté était de respecter le caractère universel de la foi sans rebuter les Juifs convertis. C’est la raison pour laquelle la norme de la foi johannique s’articulait autour de valeurs représentatives de la piété juive, principalement inspirées du décret apostolique, tant pour éviter que le "monde" ne rentre dans la communauté que pour trouver les solutions destinées à rétablir l’unité mise à mal par cette pénétration.

Université Catholique de l’Ouest

Institut de Lettres et d’Histoire

Unité de recherches "La Bible et ses lectures" de la Faculté de Théologie
3, place André Leroy, 49008 Angers Cedex 01 Xavier LEVIEILS

NOTES

1 Parler de "la communauté" au singulier est une désignation pratique recouvrant une réalité collective composée de plusieurs églises d’obédience johannique, comme le montrent Ap 2-3 et le caractère circulaire de 1 Jn.

2 Sur le contenu de l’évangile et son milieu de production, voir F. MANNS, L’évangile de Jean à la lumière du Judaïsme (SBF 33; Jérusalem 1991). Les études diachroniques de J.L. MARTYN, History and Theology in the Fourth Gospel (New York 1968); ID., "Glimpses into the History of the Johannine Community", L’Evangile de Jean. Sources, rédaction, théologie (éd. M. DE JONGE) (Louvain 1977) 149-175, aboutissent à la même conclusion. Voir aussi R.E. BROWN, The Gospel according to John (AB 29; Garden City 1966) I, lxi-lxiv;ID., La communauté du disciple bien-aimé (LD 115; Paris 1983) 27-58.

3 M.J. LAGRANGE, Evangile selon Saint Jean (EB; Paris 1925) xcvii-cxix; J. BONSIRVEN, "Les aramaïsmes de saint Jean l’évangéliste", Bib 30 (1949) 405-431; A.J. FESTUGIÈRE, Observations stylistiques sur l’Evangile de Jean (Paris 1974); M. BLACK, An Aramaic Approach to the Gospels and Acts (Oxford 31967) surtout 149-151 et 272-274; C. K. BARRETT, The Gospel of John and Judaism (Londres 1975) 20-35.

4 Par exemple, F.M. BRAUN, "L’arrière-fond judaïque du quatrième évangile et la communauté de l’alliance", RB 62 (1955) 5-44; R.E. BROWN, "The Qumran Scrolls and the Johannine Gospel and Epistles" dans son livre New Testament Essays (Garden City 1968) 138-173 = CBQ 17 (1955) 403-419 et 559-574. Pour les parallèles avec Qoumrân, voir les riches contributions publiées dans John and Qumran (ed. J.H. CHARLESWORTH) (Londres 1972).

5 Sur le déterminisme et l’exégèse de nature juive qui sous-tendent l’emploi de l’Ancien Testament dans Jean, voir F.M. BRAUN, Jean le théologien (EB; Paris 1964) II; E. COTHENET, "L’arrière-plan vétéro-testamentaire du IVe évangile", Origine et postérité de l’évangile de Jean. XIIIe Congrès de L’ACFEB Toulouse, 1989 (LD 143; Paris 1990) 43-69; M. HENGEL, "The Old Testament in the Fourth Gospel", The Gospels and the Scriptures of Israel (ed. C.A. EVANS – W.R. STEGNER) (JSNTSS 104; Sheffield 1994) 380-395; C.H. DODD, L’interprétation du quatrième évangile (LD 82; Paris 1975) 77-131; A. JAUBERT, Approches de l’Evangile de Jean (Paris 1976). Pour les épîtres, voir J.M. LIEU, "What Was from the Beginning: Scripture and Tradition in the Johannine Epistles", NTS 39 (1993) 458-477.
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MessageSujet: Re: Juifs et Grecs dans la communauté johannique   Juifs et Grecs dans la communauté johannique EmptySam 23 Juin - 18:09

6 1,44 et 12,21 (Bethsaïda); 2,1.11; 4,46 et 21,2 (Cana); 2,12 (Capharnaüm); 6,1 (lac de Tibériade); 1,28; 3,2-3; 10,40 (Transjordanie).

7 W.A. MEEKS, "Galilee and Judea in the Fourth Gospel", JBL 85 (1966) 159-169; ID., The Prophet-King. Moses Traditions and the Johannine Christology (NTS 14; Leyde 1967) 313-318.

8 B. HALL, "Some Thoughts about Samaritanism and the Johannine Community", New Samaritan Studies of the Société d’études samaritaines. Essays in Honour of G.D. Sixdenier (eds. A. D. CROWN – L. DAVEY) (Sydney 1995) III-IV, 208-211.

9 Lc 24,53; Ac 2,46; 5,12.20-21.

10 BROWN, La communauté du disciple bien-aimé, 33-37, 76-78.

11 R.A. CULPEPPER, Anatomy of the Fourth Gospel. A Study in Literary Design (Philadelphie 1983) 213-214.

12 B. PIXNER, "An Essene Quarter on Mount Zion?", Studia Hierosolymitana. In onore di P. B. Bagatti (SBF.CMa 22; Jérusalem 1976) I, 245-284; R. RIESNER, "Jesus, the Primitive Community, and the Essene Quarter of Jerusalem", Jesus and the Dead Sea Scrolls (ed. J.H. CHARLESWORTH) (New York 1992) 198-234.

13 Ac 2,41; 4,4.32; 5,14.

14 Ibid., 2,47.

15 Ibid., 5,13.

16 Ibid., 6,7.

17 J. JEREMIAS, Jérusalem au temps de Jésus (Paris 1976) 209-282; E. SCHÜRER, The History of the Jewish People in the Age of Jesus Christ. A New English Version Revised and Edited by Geza Vermes and Fergus Millar (Edimbourg 1973-1987) II, 245-250.

18 Ac 4,1; 5,17.21-28.

19 L’hypothèse a été initialement émise par J. Bowman, "The Fourth Gospel and the Samaritans", BJRL 40 (1958) 298-308. Voir J. PURVIS, "The Fourth Gospel and the Samaritans", The Composition of John’s Gospel. Selected Studies from Novum Testamentum compiled by D. E. Orton (BRBS 2; Leyde 1999) 148-185 (bibliogr.: 148, n. 1) = NT 17 (1975) 161-198 (bibliogr.: 161, n. 1); O. CULLMANN, Le milieu johannique. Etude sur l’origine de l’évangile de Jean (Neuchâtel 1976) 59-61; BROWN, La communauté du disciple bien-aimé, 40-42.

20 PURVIS, "Fourth Gospel", 172-177 (NT 15 [1975] 185-190).

21 Contre G. W. BUCHANAN, "The Samaritan Origin of the Gospel of John", Religions in Antiquity. Essays in Memory of E.R. Goodenough(ed. J. NEUSNER)(Leyde 1968) 149-175.

22 Ac 8,4-13.

23 Ibid. 8,14-25.

24 Ibid. 7,49-50.

25 CULLMANN, Le milieu johannique, 68-72.

26 Ac 7,44.

27 Ibid. 6,14.

28 S.C. MIMOUNI, "Les nazoréens. Recherche étymologique et historique", RB 105 (1998) 216-231. Sur les rapports entre chrétiens johanniques et chrétiens nazoréens, voir M.C. DE BOER, "L’évangile de Jean et le christianisme juif (nazoréen)", Le déchirement. Juifs et chrétiens au premier siècle (éd. D. MARGUERAT) (Le monde de la Bible 32; Genève 1996) 179-202.

29 Ac 15,20.29.

30 BROWN, La communauté du disciple bien-aimé, 61-62.

31 Ga 2,7-9.

32 Manger 6,54-58; boire 4,13-14; adorer 4,23-24; aimer 12,25; écouter 5,24; 6,45; venir 6,35.37; voir 6,40; 12,45; 14,9; suivre 8,12; demeurer 15,5; être 8,47; 18,37; rejeter 12,48; recevoir 13,20.

33 BROWN, La communauté du disciple bien-aimé, 69-72.

34 BROWN, Gospel,I, cv-cxi. Pour les différentes opinions sur l’ecclésiologie de Jean, voir J.F. O’ GRADY, "Johannine Ecclesiology: A Critical Evaluation", BTB 7 (1979) 36-44.

35 Sur les différentes interprétations de cette expression, voir R.B. EDWARDS, "Xa/rin a)nti/ xa/ritoj (John 1.16). Grace and the Law in the Johannine Prologue", JSNT 32 (1988) 3-15.

36 Rm 2,17-29.

37 Sur le rapport de cette circoncision avec l’action du Saint-Esprit, voir J.D.G. DUNN, The Theology of Paul the Apostle (Edimbourg 1998) 422, 424; 642-649.

38 Rm 9,8.

39 2 Co 5,17.

40 Rm 8,16; Ga 3,26-28.

41 2 Co 3,14-16; Rm 11,7-10.

42 Rm 3,27.

43 Selon m.Shab 18,3 et 19,2, les rabbins autorisaient la circoncision le jour du sabbat.

44 Pour cette interprétation voir B.F. WESTCOTT, The Gospel according to St John (Londres 21958) 119; F. GODET, Commentaire sur l’évangile de saint Jean (Neuchâtel 51970) 496; E. HOSKYNS, The Fourth Gospel (Londres 1947) 315-316; B. LINDARS, The Gospel of John (Londres 1972) 290-291.

45 Ga 3,7.

46 Ibid., 3,17.

47 Ibid., 3,8-9.18. Paul précise sa pensée sur la circoncision d’Abraham en Rm 4,9-12 où celle-ci devient "le sceau de la justice reçue par la foi, lorsqu’il était incirconcis...". Sur le raisonnement de Paul et son aboutissement à la réunion de l’humanité dans le salut, voir J.-N. ALETTI, Israël et la loi dans la lettre aux Romains (LD 173; Paris 1998) 71-100.

48 Ga 3,10-12; 5,3.

49 BROWN, La communauté du disciple bien-aimé, 84-86.

50 Ac 19,10.

51 Dans les deux cas, l’évangile semble signifier que Céphas et Thomas étaient plus connus sous leur nom grec.

52 CULPEPPER, Anatomy, 216; 219. L’auteur relève aussi que les indications d’heure (1,39; 4,6.52; 19,14) suivent le système romain utilisé en Asie.

53 Voir les remarques de CULPEPPER, Anatomy,222; 225.

54 La bibliographie à propos de cette question est considérable. On peut s’en faire une idée en consultant G. CARON, Qui sont les Juifs de l’évangile de Jean? (Montréal 1997), spécialement 294-300.

55 S.S. SMALLEY, "John’s Revelation and John’s Community", BJRL 69 (1987) 549-571.

56 C.R. SMITH, "The Portrayal of the Church as the New Israel in the Names and Order of the Tribes in Revelation 7.5-8", JSNT 39 (1990) 111-118; R. BAUCKHAM, The Climax of Prophecy. Studies on the Book of Revelation (Edimbourg 1993) 238-337.

57 Irénée, CH 2.22.5; 3.1.1 et 3, 4; Papias de Hiérapolis dans Eusèbe, HE 3.39.4; Polycrate d’Ephèse dans Eusèbe, HE 5.24. 3; Clément d’Alexandrie, Quis dives salvetur 42; Les Actes de Jean situent l’action de l’apôtre en majorité à Ephèse; pour 1 et 2 Jn, Papias de Hiérapolis dans Eusèbe, HE 3.39.17; Polycarpe de Smyrne, Phil. 7, 1; Irénée, CH 1.16.3.

58 Ainsi, la Syrie ou Alexandrie, voir BROWN, Gospel, ciii-civ. K. WENGST, Bedrängte Gemeinde und verherrlichter Christus. Der historische Ort des Johannesevangeliums als Schlüssel zu seiner Interpretation (Neukirchen 21983), pense à la Transjordanie.

59 F. BLANCHETIÈRE, "Juifs et non-Juifs. Essai sur la diaspora en Asie-Mineure", RHPR 54 (1974) 367-382; SCHÜRER, History, III.1, 17-36.

60 E.M. SMALLWOOD, The Jews under Roman Rule (Leyde 1976) 139-143 et 558-560; C. SAULNIER, "Lois romaines sur les Juifs selon Flavius Josèphe", RB 88 (1981) 161-198; P.R. TREBILCO, Jewish Communities in Asia Minor (SNTSMS 69; Cambridge 1991) 8-19.

61 Josèphe, AJ 14.235.

62 Ibid., 14.260. Voir 16.168.

63 On peut voir là que la Birkat ha-minîm n’a pas été le pivot de l’exclusion des judéo-chrétiens de la synagogue en Asie, comme le montre d’ailleurs l’expérience de Paul: Ac 13, 45-46; 14, 1-5; 19,8-10 (voir 2 Co 11,24-26). Voir le dossier de la Birkat ha-minîm présenté par S.C. MIMOUNI, Le judéo-christianisme ancien. Essais historiques (Paris 1998) 161-188.

64 L. MORRIS, The Gospel according to John (NICNT; Londres 1971) 115-126.

65 Sur le contexte politique et religieux de cette désignation, voir M.R.J. BREDIN, "The Synagogue of Satan Accusation in Revelation 2:9", BTB 28 (1998) 160-164.

66 Il n’y a pas lieu d’aborder ici la question difficile de l’attribution des documents du corpus johannique. Les hypothèses à ce sujet sont trop nombreuses pour pouvoir être évoquées dans le cadre de cette étude. Notons que les deux types de ministères mentionnés dans l’Apocalypse sont les apôtres (2,2; 18,20) et les prophètes (16,6; 18,20.24; 22,9), deux fonctions qui jouent un rôle fondamental dans la création et l’édification des églises; voir Ep 2,20; 4,11; 1 Co 12,28. Sur l’importance des prophètes, voir D. HILL, "Prophecy and Prophets in the Revelation of St. John", NTS 18 (1971-72) 401-418 et D.E. AUNE, "The Prophetic Circle of John of Patmos and the Exegesis of Revelation 22.16", JSNT 37 (1989) 103-116.

67 W.A. MEEKS, The First Urban Christians. The Social World of the Apostle Paul (New Haven 1983) 75-77.

68 1 Co 8,8.10; 10,19.23-27; Rm 14,2.6.14.20.

69 J.D.G. DUNN, The Partings of the Ways between Christianity and Judaism (Londres – Philadelphie 1991) 30-31. Pour les implications sur les relations entre chrétiens juifs et païens, voir le même auteur "The Incident at Antioch (Gal 2.11-12)", Jesus, Paul and the Law. Studies in Mark and Galatians (Londres – Louisville 1990) 129-182; Romans 9–16 (WBC 38B; Dallas 1988) 796-835.

70 Josèphe, AJ 14, 226-227.

71 Ibid., 14, 245.

72 Ibid., 14, 261.

73 Contrairement à ce que pense M.D. GOULDER, "The Jewish-Christian Mission", ANRW 26/3 (ed. W. HAASE – H. TEMPORINI) (Berlin – New York 1996) 1984-1987, le problème de la consommation de nourriture impure concerne un cadre plus large que celui du repas eucharistique, voir 1 Co 8,10; 10,21.25.

74 R. SCHNACKENBURG, Die Johannesbriefe (HTKNT 13/3; Fribourg 71984) 15-23; I.H. MARSHALL, The Epistles of John (NICNT; Grand Rapids 1978) 14-22; R.E. BROWN, The Epistles of John (AB 30; Garden City 1982) 47-86; J. PAINTER, "The Opponents in 1 John", NTS 32 (1986) 48-71.

75 Sur le rapprochement des Nicolaïtes avec la doctrine de Balaam et de Jézabel, voir P. PRIGENT, L’Apocalypse de saint Jean (Genève 21988) 37-38, 51-52 et 57-58.

76 J. HILLS, "‘Little children, keep yourselves from idols’: 1 John 5:21 Reconsidered", CBQ 51 (1989) 285-310.

77 E.-B. ALLO, L’Apocalypse (EB; Paris 31933) 41, suppose que les Nicolaïtes pouvaient participer aux cultes, populaires à Pergame, d’Asclépios ou de Dyonisos, ce dernier étant particulièrement truculent.

78 Sur la mixité de la communauté et l’appel à l’amour mutuel, voir S.S. SMALLEY, John, Evangelist and Interpreter (Exeter 1978) 140-148; ID., 1, 2, 3 John (WBC 51; Waco 1984) xxiii-xxviii.

79 R.E. BROWN, Epistles, 469.

80 TREBILCO, Jewish Communities, 38-43; 46-48; 52; 62-65; 83; 104-111.

81 J. JUSTER, Les Juifs dans l’empire romain (Paris 1914) I, 427; SCHÜRER, History, II, 437.

82 E.g., Ex 22,25; Dt 15,11; Ps 41,2; Pr 14,31. A. GEORGE, "Pauvre", SDB VII, 391-395.

83 Ga 2,10. DUNN, Partings, 129-130; GEORGE, "Pauvre", 402-403.

[color:59c4=blue:59c4]84[color:59c4=#000000:59c4] C’est leur attitude hautaine par rapport aux fidèles de la communauté, déjà évoquée en 2,11 et 3,4-9, qui est ici mise en cause.

[color:59c4=blue:59c4]85[color:59c4=#000000:59c4] Sur l’interprétation de ce verset, voir BROWN, Epistles 612-619 et 636-637.
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MessageSujet: Re: Juifs et Grecs dans la communauté johannique   Juifs et Grecs dans la communauté johannique EmptySam 23 Juin - 18:13

cet article est très long, je n'ai d'ailleurs pas fini de le lire, mais il nous éclaire sur les débuts du christianisme et surtout, sur l'influence qu'a eu jean sur son développement.
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